Affaire Bismuth: pourquoi Nicolas Sarkozy risque de devoir porter un bracelet électronique

Qui imagine un ancien président de la République avec un bracelet électronique? C’est l’enjeu de la décision de la Cour de cassation ce mercredi, qui doit confirmer ou casser la condamnation de Nicolas Sarkozy dans l'affaire Paul Bismuth.
L'enjeu est colossal. On pourrait voir un ancien chef de l'Etat équipé d’un bracelet électronique. En mai 2023, Nicolas Sarkozy avait été condamné, en appel, à trois ans de prison dont un ferme à exécuter sous surveillance électronique. Si le pourvoi qu’il a formulé est rejeté, sa condamnation sera définitive et appliquée. Un juge d'application des peines devra mettre en place la sanction, et donc équiper Nicolas Sarkozy d’un bracelet électronique. Une première dans l'histoire de la Ve République.
L'affaire des écoutes
L'affaire Bismuth, c'est une affaire complexe. En 2014, dans l'affaire qu’on appelle aussi "affaire des écoutes", Nicolas Sarkozy et l’avocat Thierry Herzog sont accusés d’avoir conclu "un pacte de corruption" avec un magistrat pour qu'il les renseigne sur des affaires en cours et qui les concernent.
Ce magistrat, c’est Gilbert Azibert, premier avocat général à la Cour de cassation. L’ancien président et son avocat cherchent à récupérer des informations dans un autre dossier, voire à influencer une décision. En échange de quoi, l’ancien président interviendrait auprès des autorités monégasques pour que Gilbert Azibert obtienne un poste de prestige dans la principauté.
Une affaire de corruption donc, mais ce qui fait débat, c’est la façon dont ces informations sont obtenues. C’est ce qui fera même polémique. C’est par hasard, ou en tout cas par accident, que la justice découvre cette corruption présumée pour laquelle Nicolas Sarkozy a été condamné par deux fois.
Alors qu'une enquête est en cours dans un autre dossier, l’affaire du financement libyen de la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy est placé sur écoute. Il aurait fini par le comprendre. Son avocat Thierry Herzog ouvre alors deux lignes téléphoniques, dont l’une pour son client, enregistrée au nom de "Paul Bismuth", le nom d’un ami d’enfance de Me Herzog. C’est sur cette ligne que les deux hommes échangeront au sujet de Gilbert Azibert.
Des écoutes légales ou non?
Ce que conteste vigoureusement le camp Sarkozy, c’est la légalité de ces écoutes. C’est là toute la subtilité de la décision de la Cour de cassation. Elle ne dira pas s’il y a eu corruption ou non. Elle doit dire si les preuves utilisées sont valides ou non.
La justice a écouté, intercepté les conversations entre un justiciable et son avocat. Pour Nicolas Sarkozy et Thiery Herzog, c’est une atteinte aux droits de la défense. Or, ces écoutes sont le seul élément de preuve. Est-il légal d’utiliser ces conversations de Nicolas Sarkozy pour le condamner? C'est toute la question.
Des recours, encore des recours
Si Nicolas Sarkozy est définitivement condamné, il compte saisir la Cour européenne des droits de l’homme. C’est ce qu’il a toujours dit dans ce dossier. Dans un arrêt de 2016, la CEDH a tranché une partie de la question. Ces méthodes d’enquête sont contraires aux règles du procès équitable. La justice française n’en n’avait pas vraiment tenu compte.
Il reste que la procédure de recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ne suspendrait pas la peine. Si le pourvoi est cassation est rejeté ce mercredi, recours européen ou pas, le bracelet électronique s’imposera.
Calendrier judiciaire chargé pour Nicolas Sarkozy
Les ennuis judiciaires de Nicolas Sarkozy ne s'arrêteront pas là, quoi qu'il arrive. Il a d'ores et déjà deux rendez-vous en 2025. Le premier dès le 6 janvier prochain, dans le cadre du procès pour le financement présumé libyen de la présidentielle de 2007. L’ancien président risque jusqu’à 10 ans de prison.
Et puis un autre pourvoi en cassation de Nicolas Sarkozy dans le cadre du dossier Bygmalion. C'est l’affaire du dépassement de plus de 22 millions d’euros du plafond de dépenses autorisé pour la présidentielle de 2012. L’ancien président a été condamné, en appel, là aussi au port d’un bracelet électronique. La décision sera rendue au second semestre 2025.