Gabriel Matzneff: la fille d'un ami intime de l'écrivain l'accuse de viols entre ses 4 et 13 ans

Une quinquagénaire dit avoir été victime d’agressions sexuelles et de viols, entre 1977 et 1987, de la part de Gabriel Matzneff, qui était un ami intime de son père adoptif, aujourd’hui décédé. Elle n’avait que 4 ans quand les violences sexuelles ont débuté, 13 ans quand elle a subi la dernière agression. Cette femme, que RMC a pu rencontrer et qui souhaite rester anonyme, nous l’appellerons Bérénice*.
Cette dernière s’exprime aujourd’hui par la voix de ses avocats, Me Marie Grimaud et Rodolphe Costantino, qui l’assistent depuis un an et demi.
Gabriel Matzneff, un ami intime du père adoptif
“Le détonateur pour notre cliente a été la sortie du film Le Consentement, adapté du livre de Vanessa Springora”, explique Me Marie Grimaud.
“Ce film révèle une facette, un tout petit bout des actes commis par M. Matzneff, et elle n’a pas supporté que la gravité de ce qu’elle a subi toute petite ne soit pas connue”.
Dans un courrier qu’ils ont adressé le 10 octobre 2023 au parquet de la République de Paris, auquel RMC a eu accès, les deux avocats rapportent que la plupart des faits que leur cliente dénonce auraient été commis au domicile familial, dans un hôtel particulier, un appartement et dans une chambre de l’hôtel Pont royal dans le 7e arrondissement de Paris.
Gabriel Matzneff était un ami intime du père adoptif de Bérénice*, souvent convié à dîner à leur domicile. C’est à ces occasions notamment que viols et agressions sexuelles auraient eu lieu.
“C’est quasiment une relation oncle/nièce entre M. Matzneff et notre cliente”, explique Me Grimaud.
Des faits prescrits
Les faits que dénonce la quinquagénaire sont aujourd’hui prescrits, mais une dépêche de février 2021 du ministre de la Justice enjoint les parquets à mener des enquêtes systématiques, y compris pour des faits anciens susceptibles d’être couverts par la prescription, quand il s’agit de violences sexuelles sur mineur.
Le nom de l’écrivain apparaît sur de nombreux agendas et livres d’or tenus par les parents adoptifs de Bérénice aujourd’hui décédés. Une dédicace de Gabriel Matzneff, en date du 5 octobre 1977, que RMC a pu consulter, est adressée au couple “en signe de fidèle amitié”.
Autre élément qui atteste de la proximité de Gabriel Matzneff et du père adoptif de Bérénice: un courrier que lui adresse l’écrivain en date du 24 juillet 1986 dans lequel il évoque l’état de santé de Vanessa Springora (l’autrice du livre “Le Consentement”, NDLR). “J’aime vraiment cette jeune personne et notre rencontre a bouleversé ma vie”, peut-on lire. L'adolescente n'a que 14 ans à l'époque.
Les avocats s’appuient sur un ouvrage de Gabriel Matzneff, Les passions schismatiques, paru aux éditions Stock en 1977: "Mes amis pédophiles peuvent témoigner que ce n’est qu'exceptionnellement que j’utilise les réseaux de notre secte où l’on se refile les gosses et où l’unique séduction est celle du portefeuille".
Son frère aurait également été victime de Gabriel Matzneff
“Il (son père, NDLR) m’a littéralement offerte à Gabriel Matzneff dont il vénérait les écrits et la grande carrière littéraire”, estime Bérénice dans un texte qu’elle a soumis à son frère aîné, également adopté, et lui aussi victime de violences sexuelles.
“Mon père adoptif cultivait un sentiment d’impunité. (…) Il était médecin, maître des ordonnances, il médicamentait toute la famille. J’ai souvenir d’avoir eu droit à des breuvages qu’il me destinait avant de devenir une proie pour son ami pour éviter toute rébellion ou panique de ma part”, poursuit-elle.
Un récit auquel son frère s’est associé en le contresignant le 12 janvier 2023, même s’il “ne souhaite pas être davantage mêlé à son action pour ne pas replonger dans un passé douloureux”.
Enfin, dans les derniers mois de la vie de son père adoptif, fin 2020, Bérénice lui a posé de nombreuses questions sur les violences sexuelles qui ont marqué son enfance. Elle a d’ailleurs enregistré leurs échanges.
À cette époque, elle lui prête notamment le livre “La familia Grande”, dans lequel Camille Kouchner dénonce les agressions sexuelles de son beau-père, Olivier Duhamel, sur son frère.
“Ce n’est pas courant un livre consacré au viol du fils par son père, commente le père adoptif de Bérénice dans un audio que RMC a pu écouter. Cela arrive plus souvent qu’on ne le pense et en tout cas plus souvent qu’on ne le dit dans les familles de la haute bourgeoisie où on ne plaisante pas avec la morale."
La victime souhaite être confrontée à l'écrivain
Dans ces discussions, le père adoptif de Bérénice admet à demi-mots ses penchants pédophiles: "Si tu lis la littérature grecque de l’antiquité, ce n’est qu’un éloge de l’enfant". Il admet aussi ceux de son ami Gabriel Matzneff: “Matzneff n’était pratiquement qu’avec des enfants, on le classait parmi les pédérastes au sens grec du terme”. Il explique “avoir ouvert la voie aux enfants” et estime que “les liens familiaux sont certainement un des thèmes qui sera à réviser dans le siècle qui vient”.
Si Bérénice veut aujourd’hui être entendue au plus vite par la justice, c'est parce qu’elle souhaite être confrontée à Gabriel Matzneff, âgé de 87 ans. Elle s’inquiète également pour les potentielles autres victimes. Elle soupçonne l’écrivain d’être en contact avec un enfant de 11 ans, fils adoptif d’un de ses amis intimes.
“Étant précisé, ajoutent les avocats de Bérénice, qu’il ne peut en aucune façon être préjugé à ce stade de l’existence du moindre fait de nature délictuelle ou criminelle à l’égard de cet enfant”.
Contacté, l’un des avocats de Gabriel Matzneff, Me Emmanuel Pierrat, n’a pas souhaité réagir aux accusations de cette femme et rappelle que son client “n’a jamais été placé en garde à vue ni mis en examen” dans l’enquête toujours en cours.
Selon les informations de RMC, une nouvelle enquête préliminaire pour viol sur mineur a été ouverte par le parquet de Paris le 23 octobre dernier, visant Gabriel Matzneff, après ces nouvelles accusations.