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Gendarme tué à Mougins: "Sa veuve a dit ce qu'une majorité de policiers et gendarmes pensent"

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La veuve du gendarme tué lundi à Mougins lors d'un contrôle routier a accusé "la France d'avoir tué son mari", mercredi, lors d'un hommage rendu à Mandelieu-La Napoule. "Cette femme a dit tout haut ce qu'une majorité de policiers et gendarmes pensent", a estimé ce jeudi sur RMC Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. Plusieurs auditeurs partagent également son émotion et sa colère.

"Je l'affirme haut et fort, la France a tué mon mari. La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance", a affirmé mercredi 28 août Harmonie Comyn lors de l'hommage rendu à son époux Eric Comyn, un gendarme percuté mortellement lundi lors d'un contrôle routier à Mougins.

La veuve du gendarme avait préalablement demandé à ce que ses "propos ne soient pas utilisés à des fins politiques" et que "[les] médias ne transform[ent] pas [ses] dires". "Attention, je ne parle pas d'étrangers, mais de récidivistes", a-t-elle aussi précisé. Elle a également martelé que "1981 n'aurait jamais dû exister", dans ce qui semble être une référence à l'année de l'adoption de l'abolition de la peine de mort, loi promulguée par Robert Badinter.

Le suspect, un Cap-Verdien de 39 ans, est en situation régulière en France mais a été condamné à plusieurs reprises notamment pour infractions routières, présenté comme un "délinquant de la route" par le ministre démissionnaire de l'Intérieur Gérald Darmanin. Il a été mis en examen mercredi soir pour "meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique", a indiqué le parquet de Grasse. Le suspect affirme notamment avoir percuté "involontairement" le gendarme.

"On ne veut plus prendre de risques car on veut rentrer à la maison et voir nos enfants"

Un cri de colère et une émotion d'une femme endeuillée qui n'a pas manqué de faire réagir la classe politique, les forces de l'ordre ainsi que l'ensemble de la société civile. Arnaud, policier dans l'Ain, a partagé le point de vue de la veuve d'Eric Comyn, à propos de la justice laxiste. "Pourquoi les juges n'expliquent pas comment ils peuvent s'en sortir aussi facilement"?, s'est-il interrogé ce jeudi sur RMC.

Le fonctionnaire de police a aussi avoué une certaine résignation face à une recrudescence des délits de fuite ou refus d'obtempérer. "On les contrôle une fois, deux fois trente fois... Au bout d’un moment, on ne veut plus prendre de risques car on veut rentrer à la maison et voir nos enfants. La balance est clairement de leur côté, on ne veut plus prendre de risques pour rendre la justice", a exposé Arnaud.

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"Je peux me faire tomber dessus par ma hiérarchie", redoute un policier en cas de contrôle

D'autant que ce dernier affirme qu'en cas d'une interpellation qui ne se "passe pas bien", "je peux perdre énormément personnellement", "je peux me faire tomber dessus par ma hiérarchie, par la justice..."

Un constat partagé par Julien, 45 ans, infirmier à Montpellier. Celui-ci a expliqué, au micro d'Apolline Matin sur RMC ce jeudi 29 août, que son frère, policier, avait été confronté à un refus d'obtempérer et tentative de délit de fuite. "L'homme tend les papiers et au moment où mon frère essaie de les prendre, il attrape la manche et démarre. Mon frère est encore en vie uniquement grâce à son sang-froid, il s’est dégagé et a mis un grand coup dans sa tête. Sauf que le conducteur s’est planté 20 mètres après, il a déposé plainte contre mon frère pour violences, il y a eu un procès", a-t-il relaté.

"Je comprends [la] colère et [la] douleur]" de la veuve du gendarme, "elle a raison, cela aurait pu être évité. Le conducteur avait une carte de résident, à la première connerie, c’est dehors", déclare Julien, auditeur RMC.

Pour Anna, habitante à Lyon, 43 et agente de service public, le discours d'Harmonie Comyn l'a "grandement touchée". Elle partage surtout le constat que les victimes, en France, selon elle, sont délaissées, contrairement aux suspects et auteurs de délits ou crimes. "Les personnes condamnées à perpétuité, ce sont les victimes. Une victime n’aura aucun soutien, suivi, alors que les condamnés ont toute une assistante tant avant leur condamnation qu’après leur condamnation", a-t-elle déclaré sur RMC.

"Violence banalisée"

Elle a notamment pris en exemple son propre cas, ayant été victime d'un accident de la route qui lui provoqué un handicap à vie. "Il n'y a aucune assistance pour les victimes alors que les responsables auront cette assistante psychologique et judiciaire, un avocat..."

La Lyonnaise a regretté une "autorité policière" en baisse en France, beaucoup moins respectée qu'à l'étranger, selon ses expériences vécues. "Quand il n'y a pas d'autorité, il y a une croissance des délits. Avec une justice laxiste qui revient sur les condamnations, qui les amenuit, alors la violence est banalisée".

"En France, tout le monde revient à parler de droits, un mot qui revient sans cesse, mais ils sont accompagnés de devoirs", rappelle Anna, auditrice RMC.

Un cri de colère "inhabituel", a jugé de son côté Thibault de Montbrial, avocat au barreau de Paris, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure. Selon lui, généralement, "les familles des forces de l'ordre endeuillées restent dans une forme de retenue, elles font corps les uns avec les autres et ne disent rien". "Cette femme a dit tout haut ce qu'une majorité de policiers et gendarmes pensent", a-t-il assuré.

"J'ai une profonde émotion pour cette femme et ses enfants et tous les policiers et gendarmes, victimes de refus d'obtempérer un peu moins de toutes les demi-heures depuis des années", a aussi rappelé Thibault de Montbrial.

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"La réponse judiciaire n'est pas à la hauteur"

Lui aussi estime que la "réponse judiciaire n'est pas à la hauteur" lorsque les policiers et gendarmes sont blessés sur le terrain. La justice est à la hauteur "dans l'un des cas les plus graves, quand un policier ou gendarme est tué, il n'y aucune discussion, elle joue son rôle", a toutefois concédé l'avocat.

Thibault de Montbrial se demande "dans quel pays au monde on accorde un titre de séjour ou on le renouvelle, à un individu qui a plusieurs mentions à son casier judiciaire?" Selon le parquet de Grasse mardi, le suspect, âgé de 39 ans, comptait dix condamnations à son casier judiciaire pour "des infractions à la circulation routière" mais aussi "des atteintes aux personnes. "Un pays doit protéger sa population [...] il faut rétablir l'autorité", a asséné Thibault de Montbrial.

Concernant la référence de la veuve du gendarme à "1981", "on ne peut pas attendre de gens dont la vie s'écroule qu'ils soient capables de dérouler un argumentaire politique en finesse", a-t-il estimé, comparant la situation aux propos tenus par la mère de Nahel, un adolescent tué par un policier à Nanterre le 27 juin 2023.

"Dans cette extrême douleur, ils peuvent dire des choses qui peuvent paraître excessives mais qui sont toujours la révélation de quelque chose d'important", estime Thibault de Montbrial, à propos de la référence à "1981 n'aurait jamais dû exister".

Didier Leschi, directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration, a estimé mercredi sur RMC que son titre de séjour n'aurait pas dû lui être délivré, invoquant le "non-respect du pacte civique d'hospitalité".

"Les responsables de la mort de ce gendarme, ce sont les comportements criminels", estime Gérald Darmanin

Selon lui, la loi immigration votée en janvier 2024, à l'initiative du ministre démissionnaire de l'Intérieur Gérald Darmanin, vise à "remettre en cause l'automaticité" liée au titre de séjour.

"Il est normal de tirer des conséquences de ces actes ignobles, qui sont des assassinats, des actes criminels", a réagi Gérald Darmanin, interrogé en marge d'un événement au ministère de l'Intérieur.  "Les responsables de la mort de ce gendarme, ce sont les comportements criminels", a-t-il ajouté, estimant qu'il s'agissait de "la réaction d'une femme extrêmement blessée, touchée dans sa chair".

Léo Manson