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Police-Justice

Pierre Ménès jugé pour agressions sexuelles: "Aujourd'hui, tout geste envers une femme est inapproprié"

Pierre Ménès (d) accompagné de son avocat Arash Derambarsh au tribunal correctionnel de Paris le 8 mars 2023

Pierre Ménès (d) accompagné de son avocat Arash Derambarsh au tribunal correctionnel de Paris le 8 mars 2023 - Alain JOCARD © 2019 AFP

La procureure a requis 8 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende contre Pierre Ménès, jugé ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris pour trois affaires d’agressions sexuelles à l’égard de deux vendeuses d’un magasin Nike des Champs-Elysées et d’une hôtesse du Parc des Princes entre juin 2018 et novembre 2021. La décision a été mise en délibéré au 19 avril.

"Aujourd’hui, tout geste envers une femme est inapproprié", déplore Pierre Ménès, 59 ans, manteau et lunette noires assis à la barre. La justice reproche au chroniqueur sportif deux agressions sexuelles à l’égard de deux vendeuses du magasin Nike des Champs-Elysées le 18 juin 2018 et une autre agression contre une hôtesse du Parc des Princes en novembre 2021. Des faits pour lesquels la procureure a requis 8 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende.

Dans le premier volet, deux jeunes vendeuses ont déposé plainte mais ne se sont pas constituées parties civiles. Dans une scène, captée par les vidéos du magasin Nike, et analysées par un policier, on voit "Pierre Ménès mettre un coup d’épaule à Mme T., il lui porte ensuite un coup de poitrine contre la sienne 'geste qui ne parait pas réciproque'", précise le fonctionnaire.

"C’est une femme de stature athlétique, explique Pierre Ménès. Elle fait quasiment ma taille, on était au rayon basket. Pour rigoler, je lui ai fait un check comme font les basketteurs." Avant un échange avec le président:

- "Est-ce qu’il n’y a pas un déséquilibre entre vous, personnalité, client attitré, et elle, liée par son entreprise, et le fait de faire ce geste, de se heurter poitrine contre poitrine? Est-ce que vous pensez que c’était partagé? Ou est-ce que vous l’avez surprise, elle a pu être choquée?".

- "Compte tenu de ma détente verticale légendaire, j’ai pas dû aller bien haut"

- "Avec un autre homme, ça ne semble pas compliqué. Avec une vendeuse, ça semble incongru"

- "Moi, ce que j’ai fait, ça ne me choque pas", répond Pierre Ménès, qui dénonce une concertation entre les deux vendeuses.

"Je suis quelqu’un qui ne fait aucune différence entre les femmes et les hommes"

La procureure interroge ensuite Pierre Ménès sur la suite de la vidéo: "Ça correspond à quoi le fait qu’on vous voit parler, vous regardez ses seins et que cette vendeuse regarde sa poitrine après?". "Je ne me rappelle pas de la poitrine de cette vendeuse", répond le prévenu.

Le président revient ensuite sur un deuxième fait, toujours à l’encontre de la même vendeuse. C’est deux minutes après, Pierre Ménès revient vers elle, il passe derrière elle une main sur sa hanche gauche, la jeune femme se retourne immédiatement et fait quelques pas en arrière.

"Vous êtes face à elle, elle de dos, vous auriez pu passer a côté d’elle sans la frôler?" demande le président.

"Il faut connaitre la géographie du magasin Nike, qui n’existe plus. A l’époque, l’entrée était assez large, le rayon basket était beaucoup plus étroit et après, aux caisses, il n’y avait pas de place pour que je passe. J’ai dû mettre la main sur sa hanche pour passer", assure Pierre Ménès.

Quant à la deuxième vendeuse qui l'accuse de lui avoir caressé le dos jusqu’aux fesses sans son consentement, c’est simple: le prévenu dit n’avoir aucun souvenir d’elle quand il a été confronté à elle en octobre 2018, quelques mois après les faits.

"Je suis quelqu’un de franc, de cash, qui ne fait aucune différence entre les femmes et les hommes, prétend Pierre Ménès. Cela a très bien marché pendant 11 ans, jusqu’au jour où on change les règles du jeu sans en avertir les joueurs, c’est pas très loyal".

Pierre Ménès se dit victime d'un "coup monté"

L’agression sexuelle la plus récente reprochée à Pierre Ménès remonte au 20 novembre 2021. L’hôtesse, qui élève seule sa fille, n’a pas souhaité déposer plainte.

En son absence, le président lit son audition face aux policiers. "J’ai senti qu’une main me touchait de haut en bas, depuis la poitrine droite jusqu’à mon ventre, geste délicat rapide mais précis. Je n’ai pas vu arriver cette personne, je n’ai pas vu tout de suite qui c’était, je suis restée figée. J’ai regardé qui m’avait touchée, j’ai reconnu Pierre Ménès par sa corpulence et son visage. Aucun doute que ce soit lui l’auteur de ce geste, il n’y avait que lui", déclare-t-elle.

Pierre Ménès dit avoir appris ces accusations par son avocat Arash Derambarsh. "Qu’est-ce que t’as encore fait au Parc des Princes?", lui aurait demandé son conseil. L’ex-chroniqueur sportif dit avoir immédiatement pensé à "un coup monté". Un vigile avait témoigné avoir croisé Pierre Ménès à la fin de la mi-temps, alors qu'il attendait devant les toilettes, et avait assuré qu’il "regardait cette hôtesse en particulier".

"Je note avec intérêt que je n'ai pas le droit de m'arrêter", se défend Pierre Ménès. "Alors que j'avais des douleurs horribles au genou avec le regard dans le vague". Pierre Ménès explique: "Le Parc des Princes a été le coup de grâce". Il dit avoir tout perdu. Il explique qu’il vit aujourd’hui du chômage et de sa pension d’invalidité. "Si elles avaient déposé plainte pour réclamer du fric, j’aurais moins pensé à un coup monté".

"La société évolue, on voit ces dernières années des dossiers d’agressions sexuelles, de violences conjugales, qu’on n’aurait peut-être pas vus il y a quelques années, il y a eu le mouvement Metoo. Ce constat, vous l'avez intégré aujourd’hui", estime une juge assesseure. "Mais pas au moment des faits reprochés, je pense notamment à ce check de poitrine. Pourquoi ce décalage?", questionne-t-elle.

"L’histoire Nike, c’était il y a cinq ans, répond Pierre Ménès. Dans mon geste, il n’y avait que de l’humour et de la convivialité et effectivement ça a changé, permettez-moi de le regretter. Si on ne peut même plus mettre une tape à l’épaule à une femme", répond-il.

"Une forme d’abus d’autorité et de pouvoir"

"J'ai bien compris que Pierre Ménès reprenait une thèse qui voudrait que depuis Metoo tout rapport homme femme serait aseptisé et ne permettrait plus rien, débute la procureure. Mais nous nous situons bien dans le champ pénal avec trois affaires d’agressions sexuelles."

La magistrate, qui dénonce une "forme d’abus d’autorité et de pouvoir de Pierre Ménès", sur des vendeuses et une hôtesse qui sont dans une "situation d’infériorité nette", requiert 8 mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende contre Pierre Ménès, son inscription au FIJAIS (fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) et la privation de ses droits d'éligibilité pendant deux ans.

Les avocats de Pierre Ménès plaident la relaxe au bénéfice du doute. "Ce n’est pas le procès de Metoo, selon Arash Derambarsh. Quelqu’un qui a un comportement inapproprié n’est pas un délinquant sexuel." La décision a été mise en délibéré au 19 avril.

Marion Dubreuil