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Le Parti socialiste a décidé de se lancer dans une purge

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Amine El Khatmi, conseiller municipal PS à Avignon, assure s’être fait éjecter du conseil national du PS, le "parlement" du parti, pour avoir soutenu Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle. Il confie à RMC.fr qu’il compte bien contester cette décision devant la justice.

Amine El Khatmi (PS) est élu municipal à Avignon.

"Le Parti socialiste, plutôt que de se remettre en question, plutôt que d’ouvrir des chantiers de réflexion sur le fond, a visiblement décidé de se lancer dans une purge. Et en particulier à l’encontre de celles et ceux qui ont appelé à voter pour Emmanuel Macron. Ceux qui ont considéré que la ligne et le programme défendus par Benoît Hamon, qui a réuni je le rappelle à peine 6% des suffrages, était une ligne qui menait à l’impasse.

J’ai appris complètement par hasard, et en recevant un SMS par la suite, que ma présence au conseil national du parti m’était retirée sur décision de la responsable de la motion, Karine Berger. Je n’ai à aucun moment été appelé ou même convoqué. J’aurais pu me justifier, apporter des explications. C'est ce qui se ferait dans toute organisation politique normalement constituée: entendre la personne, qu’elle puisse se défendre. La décision a été prise de manière extrêmement autoritaire.

"Voir que les choses se terminent de cette manière-là, c’est lamentable"

Cela fait 15 ans que je suis au Parti socialiste. Je lui ai donné beaucoup de temps, beaucoup d’énergie, beaucoup d’engagement. Et voir que les choses se terminent de cette manière-là, c’est lamentable. Dans d’autres fédérations, d’autres militants sont parfois même allés plus loin que moi en adhérant à La République en marche, sans être exclus. Ce n’est pas mon cas: j’ai appelé à voter pour Emmanuel Macron parce que je refusais d’avoir un second tour à l’élection présidentielle qui serait un combat entre François Fillon et Marine Le Pen. J’ai considéré que le candidat qui se rapprochait le plus de mes convictions et qui était le plus à même de nous éviter ce second tour, c’était Emmanuel Macron.

Mais aux législatives, j’ai mené campagne dans ma circonscription pour la candidate du PS contre un candidat d’En Marche! Donc recevoir des leçons de respect des règles de la part de monsieur Hamon ou de ses amis… Il a quand même appelé à faire battre des candidats investis par le PS. Dans plusieurs circonscriptions, il a appelé à voter pour le candidat de La France insoumise. Je pense à la circonscription de madame El Khomri, qui a vu monsieur Hamon débarquer pour expliquer aux électeurs qu’il fallait voter pour un vrai candidat de gauche, et donc pour le candidat de monsieur Mélenchon. Recevoir des leçons de la part de gens qui n’ont jamais respecté les règles, qui ont frondé pendant cinq ans, qui ont signé des motions de censure contre le gouvernement alors qu’ils étaient députés socialistes, c’est assez effroyable.

"Dans sa forme actuelle, le Parti socialiste ne peut pas continuer comme ça"

Je suis déterminé à porter l’affaire en justice. Je vais saisir le tribunal administratif. Je considère que cette décision n’est pas motivée politiquement. Et que le respect du principe du contradictoire n’est pas respecté. On a été élu au dernier congrès pour être au conseil national. Seule une élection peut nous démettre. On ne peut pas décider tout seul dans son quoi que 'tartempion' n’est plus membre du Conseil national. La vérité c’est que les statuts au PS n’ont jamais été respectés. C’est fait pour être joli. Tout le monde décide un peu ce qu’il veut. Par contre le tribunal administratif ne fait pas ce qu’il veut, il a des textes qu’il doit respecter.

Dans sa forme actuelle, le Parti socialiste ne peut pas continuer comme ça. Il va falloir se réinventer, créer autre chose. Il y a bien deux gauches irréconciliables. Quand je vois la virulence des réactions, je vois difficilement comment je vais pouvoir continuer à militer avec des gens qui tiennent des propos comme ceux-là".

«Il s’est mis de lui-même en dehors des instances du parti»

Selon Yann Galut, membre du bureau national du PS mais aussi de la motion 'La Fabrique' au nom de laquelle Amine El Khatmi siégeait au Conseil national du PS, cette décision "n’est pas ciblée contre lui". "A partir du moment où il a été constaté qu’Amine El Khatmi avait soutenu Emmanuel Macron, on en a tiré les conséquences", explique l’ancien député du Cher. "Comment voulez-vous qu’un membre suppléant du parlement du parti puisse le représenter alors qu’il a appelé à voter pour un autre candidat?". Selon Yann Galut, "d’autres camarades sont dans la même situation" et "c’est le même problème avec Manuel Valls". "Le Parti socialiste est en phase de reconstruction. Je n’ai rien contre Amine, il réagit très mal de n’être plus suppléant. Je lui garde mon amitié, c’est un vrai militant sincère. Mais le soutien à Emmanuel Macron n’était pas possible", conclut Yann Galut.

Propos recueillis par Antoine Maes