Loi Duplomb: le Conseil constitutionnel rend sa décision pour "soutenir ou condamner l’agriculture"

Un verdict attendu par le monde agricole. Le Conseil constitutionnel doit rendre ce jeudi 7 août sa décision sur la loi Duplomb, censée trancher sur la réintroduction, ou non, de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018. Ce produit nocif pour la biodiversité et souvent appelé "tueur d'abeilles" reste autorisé ailleurs en Europe. En France, il est réclamé par certains producteurs de betteraves et de noisettes.
Pour le monde agricole, cette décision pourrait faire basculer la profession d'un côté comme de l'autre, comme l'explique Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, invitée ce jeudi 7 août sur le plateau de RMC. Selon elle, la réponse des Sages pourrait "condamner définitivement l'agriculture en France", ou la sauver, les invitant à "s'appuyer sur des avis scientifiques" pour faire leur choix.
La fin de la souveraineté alimentaire
Citant la Commission européenne "qui prend exemple sur les avis scientifiques pour valider la modification d'un règlement européen concernant l'acétamipride", Véronique Le Floc’h rappelle que les seuils du pesticide ont été rehaussé dans plusieurs pays de l'Union.
"Il n'y a pas de problème [dans les pays qui l'autorisent], alors pourquoi en France il y en aurait", s'interroge-t-elle.
Quant aux éventuelles alternatives à l'acétamipride, Véronique Le Floc’h assure que se passer de cette molécule dans certaines productions (notamment de betteraves, de prunes et de noisette) rime forcément avec une baisse de rendements. "Vous pouvez interroger des agriculteurs en production biologique qui se passent de cette molécule, c'est à peine tenable sur le long terme".
"Même nos producteurs en bio se posent des questions sur l'acétamipride, qui est le moins pire des néonicotinoïdes", assure Véronique Le Floc’h.
Pour la présidente de la Coordination rurale, voter pour le maintien de l'interdiction mènera forcément à l'importation de fruits qui ont eux été produits avec ce pesticide. Et de résumer, "c'est tout l'inverse de ce que nous souhaitons, à savoir la souveraineté alimentaire".
Le principe de précaution en question
Largement discutée dans la sphère politique et scientifique, la loi Duplomb mènerait selon le conseil national de l'Ordre des médecins à des dangers pour la santé humaine. Fin juillet, l'instance déplorait "l’écart persistant entre les connaissances scientifiques disponibles et les décisions", appelant au principe de précaution, inscrit dans la Constitution.
"Le principe de précaution il faut l'appliquer jusqu'au bout parce 26 pays sur 27 vont continuer à utiliser [ce pesticide]. Et bien il faut retirer tous ces produits. En France 90% de nos noisettes sont importées, cela voudrait dire qu'on s'en priverait, ainsi que de tous les dérivés comme les pâtes à tartiner", répond Véronique Le Floc’h.
Face aux plus de 2 millions de signataires pour la pétition contre la loi Duplomb, la Coordination rurale en appelle au référendum d'initiative partagé (RIP) pour trancher sur cette décision.
Si le Conseil constitutionnel retoque l'article 2 du projet de loi, Véronique Le Floc'h annonce que la Coordination rurale compte laisser "un peu de temps au gouvernement pour [nous] répondre sur l'application du principe de précaution qui serait appliqué dans tous les produits introduits chez nous".