Présidentielle: pourquoi le débat sur la légitime défense s'invite dans la campagne
Vendredi dernier, à Longré, en Charente, un agriculteur de 35 ans est seul dans sa maison avec sa fille de trois ans. Il entend quatre cambrioleurs s’introduire chez lui, il prend sa carabine de gros calibre et tire deux fois. La première balle n'atteint personne mais la seconde touche au thorax un des agresseurs.
C’est un homme de 44 ans, originaire de Serbie. Ses compagnons l'emmènent en voiture et le déposent devant le service des urgences de l'hôpital le plus proche. Mais les médecins n’arriveront pas à le sauver. Le cambrioleur meurt à l'hôpital. Les autres cambrioleurs n’ont pas été retrouvés.
L’auteur du coup de feu, l’agriculteur a passé le week-end en garde à vue, puis lundi matin, il a été mis en examen pour meurtre, mais laissé en liberté.
Un fait divers qui prend une tourne politique
Ce fait divers relance alors, en pleine calmpagne présidentielle, le débat sur la légitime défense. "Reconquête !", le parti d’Eric Zemmour a lancé deux pétitions. Une intitulée “pour que les victimes puissent se défendre", l’autre en “soutien à l’agriculteur cambriolé”.
Ce jeudi, Emmanuel Macron, en déplacement dans la région, a été interrogé sur le sujet. Le message qu’il voulait faire passer était sur son combat contre l'extrême-droite, et les dangers de l'extrême-droite. Par conséquent, il s’est dit "opposé à la légitime défense", ou plutôt contre toute réforme ou élargissement de la notion de légitime défense.
“Nous sommes dans un état de droit”, a-t-il dit. "Il y a des règles, sinon ça devient le far west".
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Emmanuel Macron se démarque des autres candidats
Du côté des autres candidats, Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan sont les seuls à avoir évoqué la question de la légitime défense dans leur programme. C’est donc clairement un marqueur de droite…
Marine Le Pen voudrait instituer la notion de “légitime défense présumée” pour les policiers. Autrement dit, ce ne serait pas à eux de prouver l’état de légitime défense, mais à la justice de prouver qu’il ne l'était pas. Même proposition de Nicolas Dupont-Aignan, mais seulement dans des cas très précis, comme les prises d’otage ou les attaques à main armée.
Quant à Eric Zemmour, il voudrait inscrire dans la loi, la notion de défense excusable. C'est-à dire supprimer la notion de proportionnalité. Il cite l’exemple d’une personne agressée et frappée qui parvient à s'emparer d’un pistolet et qui ouvre le feu alors que son agresseur n’est pas armé. Ce serait donc une “violence excusable”. Alors que pour le moment ouvrir le feu sur un agresseur désarmé, est considéré comme un meurtre ou un homicide involontaire.
Que dit la loi?
Actuellement, la loi insiste justement sur cette notion de proportionnalité que veut supprimer Eric Zemmour.
L'article 122.5 du code pénal dispose que “n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte de légitime défense face à une attaque injustifiée, sauf s’il y a disproportion.”
La seule exception est donc si l’agressé exerce une violence disproportionnée sur son agresseur. De plus, il faut que le danger soit imminent, que l’attaque soit réelle, pas supposée, que la riposte soit nécessaire et soit la seule réponse possible. Par exemple, qu’il ne soit pas possible de fuire.
Enfin la réponse doit être simultanée. Si l’on se venge le lendemain, on n'est pas en légitime défense.
Une exception dans la loi
Il existe toute fois une exception, expliquée dans l'article 122-6 du code pénal: lorsqu’il fait nuit, et lorsque quelqu’un pénètre chez vous, alors il y a présomption de légitime défense. Autrement, la loi prévoit que sous l’emprise de la peur, en cas d'intrusion chez vous de nuit, vous puissiez réagir de façon disproportionnée.
C’était exactement le cas de l’agriculteur de Charente qui a tué un de ses cambrioleurs la semaine dernière. Il bénéficiait donc d’une présomption de légitime défense qui aurait pu lui permettre de ne pas être poursuivi.
Seulement ce n’est qu’une présomption pas une obligation pour le juge. Et en l'occurrence au vu du dossier et des faits, le juge a estimé que c’était un meurtre. Mais il a aussi choisi de ne pas demander l'incarcération de cet agriculteur.