Réforme des retraites: faut-il l'abroger? Un dossier brûlant pour le futur Premier ministre

La France ne connaît toujours pas le nom de son nouveau Premier ministre. Les tractations s'accélèrent, mais une fois nommé, rien n'est sûr quant à sa marge de manoeuvre à l'Assemblée. Puisque de nombreux sujets divisent les parlementaires. Parmi eux, la réforme des retraites est notamment au coeur des négociations.
Le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, qui possèdent un grand nombre d'élus, souhaitent l'abroger. Bernard Cazeneuve, en lice pour Matignon, aurait lui l'intention de suspendre la réforme. C'est l'une de ses conditions s'il venait à être nommé Premier ministre.
Même François Bayrou, proche d'Emmanuel Macron, assure que la réforme pourrait être améliorée. Selon un rapport du conseil d'orientation des retraites publié en août dernier, la réforme des retraites actuelle ne suffira pas à combler le déficit de l'État.
"La réforme de 2023 n'est pas suffisante", tacle Juliette Briens, journaliste politique, sur le plateau d'Estelle Midi sur RMC, ce mercredi.
"C'est dérisoire par rapport à ce dont on a besoin. Je pense que c'est dur à dire mais il faut qu'on trouve quelqu'un d'honnête, qui nous dise la vérité sur l'état des caisses, sur l'état de la démographie. En gros, ce n'est pas possible, on ne peut pas continuer comme ça", ajoute-t-elle.
Jérôme Lavrilleux partage lui aussi cet avis. Et selon lui, l'abroger n'est pas forcément la bonne solution. "Ils sont d'accord sur une seule chose, abroger la réforme des retraites. Mais vous revenez sur la dernière réforme, la réforme Fillon. Une fois que vous avez abrogé, on fait quoi? Il faut proposer une nouvelle réforme, et ils sont d'accord sur rien sur la nouvelle réforme."
L'abrogation, et après?
C'est pourquoi il faut d'abord penser à une nouvelle réforme selon Éric Heyer, directeur du département "analyse et prévision" à l'OFCE, invité d'Estelle Midi. "Vous pouvez l'abroger, mais ce qui est certain, c'est qu'il va falloir la remplacer", résume-t-il.
"Mais on connaît le coût. Si vous l'abrogez, ça va vous coûter 15 milliards de recettes en moins, et à peu près 4 milliards de dépenses en plus. Il faut trouver 19 milliards à peu près. On dit aux partenaires sociaux, aux corps intermédiaires, trouvez-nous 19 milliards. Alors, il y a plusieurs pistes, vous pouvez augmenter les cotisations, baisser les pensions. Mais ce sont toutes ces questions-là qu'il faut se poser", explique le directeur du département "analyse et prévision" à l'OFCE.
"Tout cela est très ambitieux, il va falloir prendre du temps", prévient-il.
"La bonne réforme, me semble-t-il, était celle envisagée en 2019, où il y avait effectivement l'idée de se dire 'on fait un régime universel, on passe aux points et ensuite on passe aux paramètres'. C'était sûrement ça la bonne façon de procéder. Le problème, c'est que quand vous faites ça, vous faites des perdants à tout niveau", détaille Éric Heyer.
Mais difficile d'y voir clair pour les Français. Certains perdent espoir, à l'image de Stephen, auditeur RMC: "Je suis même désespéré, il n'y a pas d'espoir, on va être bloqués. Moi, mon espoir, c'est de quitter la France pour pouvoir aller autre part et vivre ma vie". "Je ne vois pas comment on va s'en sortir", s'alarme cet ingénieur âgé de 40 ans, qui se voit bien partir dans un pays francophone.