Dermatose en Savoie: des éleveurs bloquent l'abattage préventif de 121 vaches ordonné par l'État

Pierre-Jean Duchêne, un agriculteur d'Entrelacs, en Savoie, dénonce l'euthanasie de l'intégralité de son troupeau à cause de deux cas positifs à la dermatose nodulaire, une maladie contagieuse.

À Entrelacs (Savoie), une centaine de manifestants ont empêché jeudi l’abattage de 121 vaches, prévu dans le cadre de la lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), une maladie bovine transmise par des insectes. Seuls deux cas ont été détectés dans le troupeau, mais la réglementation impose l’élimination de tous les animaux concernés.

À l’appel de la Coordination rurale, éleveurs, vétérinaires et syndicats comme la Confédération paysanne dénoncent une mesure "radicale" et réclament des alternatives: désinsectisation, vaccination, ou encore expérimentations sur l’immunité naturelle.

"Je ne sais pas comment je vais réagir quand ça sera terminé”

“Jeudi dernier, on a constaté une vache malade avec apparition de nodule, qu’on a déclaré aux vétérinaires. Ils ont fait des prélèvements”, raconte Pierre-Jean Duchêne, l’agriculteur, concerné au micro de RMC.

“Ensuite, on a eu un deuxième cas le samedi suivant. J’ai immédiatement alerté la clinique vétérinaire qui est venue faire l’analyse. J’ai procédé à l’euthanasie, j’ai pris mes responsabilités d’éleveur. J’ai fait ce qu’on m’a demandé de faire. J’ai joué mon rôle d’exploitant dans une situation de crise sanitaire comme la nôtre. J’ai déclaré les cas suspects”, poursuit-il.

Mercredi 9 juillet, les 123 animaux présents sur la commune ont été expertisés pendant trois heures. “Puis, ils ont pris la décision d’euthanasier tout le monde. Un cas positif, et tout le monde y passe. Deux cas sur 123 animaux, moins de 2%… je ne sais pas comment je vais réagir quand ça sera terminé”, relate l’agriculteur d'Entrelacs.

Pour lui, c’est la conséquence d’une “politique et d’une gestion de crise malmenée depuis le début”. Il dénonce des décisions radicales: “ils gèrent dans l’urgence sans savoir si c’est la bonne solution”.

Grâce à la mobilisation, les animaux, qui devaient donc être euthanasié ce jeudi, ne l’ont pas été. Mais la préfecture de la Savoie a indiqué à France3 “que l'ensemble du troupeau devra malgré tout être dépeuplé”. Les syndicats agricoles ont prévu de poursuivre la mobilisation pour empêcher cela.

8 cas de dermatose nodulaire des bovins dans les deux Savoies

Huit foyers de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) ont été recensés en Savoie et Haute-Savoie, ont annoncé les deux préfectures ce jeudi en fin de soirée. Un septième "a été confirmé la nuit dernière" sur le territoire de la même commune, comme les six précédents.

"L'euthanasie des troupeaux concernés par au moins une infection, qui a démarré le 1er juillet, s'est poursuivie aujourd'hui", ajoute la préfecture de Savoie jeudi, précisant que 143 bovins ont été abattus à ce jour. "Un éleveur a empêché l'euthanasie d'une partie de son troupeau", a indiqué la préfecture, sans plus de détails.

"L'euthanasie des troupeaux est une épreuve particulièrement difficile pour les éleveurs", mais "s'ils sont porteurs de la maladie, les bovins peuvent continuer à la transmettre à d'autres par l'intermédiaire de mouches piqueuses ou de taons", prévient la préfecture de Savoie.

"Des mesures strictes ont permis jusqu'à présent de contenir l'épidémie dans un périmètre très restreint", plaide-t-elle. "La priorité (...) est d'éradiquer au plus vite la maladie pour éviter qu'elle se développe en France et préserver la filière bovine". La France attend la livraison de vaccins, a indiqué mardi la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, pour pouvoir ensuite "mettre en place une stratégie vaccinale".

Qu'est-ce que la dermatose nodulaire contagieuse?

La DNC se caractérise par l'apparition de nombreux nodules sur la peau et les muqueuses internes, c'est-à-dire des gonflements des parties du corps infectées de l'animal. Très contagieuse, elle se transmet par piqûres d'insectes "type stomoxe" (une mouche piquante) ou "taon", explique le ministère. Présente en Afrique subsaharienne, en Asie et, depuis 2023, en Afrique du Nord, elle a été repérée en Italie le 22 juin 2025 "également pour la première fois, en Sardaigne puis en Lombardie".

Charline Andrieux avec Vincent Chevalier