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La France en fait-elle assez face au harcèlement scolaire?

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Un mois après le suicide de Lucas, 13 ans, victime de harcèlement et d'homophobie, se pose la question du harcèlement scolaire et des moyens mis pour lutter contre ce fléau. RMC a enquêté sur ce qui est prévu actuellement et ce qui pourrait être mis en place pour réduire ce nombre de victimes qui ne cesse d'augmenter.

Ce dimanche, se déroulera, à Epinal (Vosges), la marche blanche en hommage au jeune Lucas, 13 ans, qui s’est suicidé le 7 janvier dernier alors qu’il était victime d’harcèlement homophobe, notamment dans le cadre scolaire. Depuis, la question du harcèlement scolaire et surtout des moyens investis par l’Etat pour lutter contre sont au cœur des débats.

Aujourd'hui, en France, la loi est ainsi faite que le premier réflexe à avoir si on est victime de harcèlement ou parent de victime de harcèlement est de prévenir la direction de l’établissement au plus tôt. Si les enseignants ont obligation de signaler les faits dont ils ont connaissance à la direction, ce sont bien aux responsables du collège ou du lycée - proviseur par exemple - de décider de sanctions contre les élèves "harceleurs".

Il est d'ailleurs important de noter que la direction doit prévenir - sans délai - le procureur de la République si des faits de harcèlement sont remontés. Dans le cas de l’affaire de Lucas, la justice devra déterminer si les signalements ont été faits à tous les niveaux.

Deux niveaux de sanctions

Après ces signalements, place aux sanctions et il y a deux niveaux possibles de sanctions. D’abord au sein d’une école, d’un collège ou d’un lycée où les sanctions sont à l’initiative de l’établissement. Elles doivent être définies dans le règlement intérieur: il peut s’agir d’une simple convocation à une exclusion de plusieurs jours.

Ensuite, au niveau pénal, la loi considère, depuis mars 2022, le harcèlement scolaire comme un délit à part entière et sévèrement puni. Les peines prévues vont de trois à dix ans de prison, notamment dans le cas du suicide ou d’une tentative de suicide de la victime. Mais tout cela reste très théorique puisqu’il s’agit de la justice des mineurs.

"Du laxisme politique"

Malheureusement, les cas de harcèlement scolaires restent nombreux. Maxime Do Carmo a aussi été victime de harcèlement durant tout son collège. Depuis dix ans, ce Vosgien se bat contre ce phénomène. A ses yeux, les choses bougent trop lentement. Après la mort de Lucas, il explique avoir été "dans une colère noire".

"Je pense qu’il y a beaucoup de laxisme politique. On fait un texte de loi pour dire qu’on fait quelque chose, mais en fait, on ne fait rien", explique-t-il.

S'il y a la prévention qui est faite dans les établissements scolaires, avec une journée contre le harcèlement, 23.000 élèves ambassadeurs, de l’affichage, ce n'est pas assez concret.

Pour Gabrielle Richard, sociologue, il faut que l'impact soit quotidien pour qu'il soit réel: "C’est bien ces initiatives là, mais ce sont des grains de sel au sein d’une année scolaire chargée en interactions violentes pour les jeunes. Il faut donc penser ces efforts-là de manière transversale."

"On se retrouve souvent à montrer qu’on a agi plutôt qu’à agir dans les faits et à changer l’expérience scolaire des jeunes."

Des enseignants mal formés

Pour la sociologue, agir de manière transversale, c’est évidemment en incluant le corps enseignant. Depuis la dernière rentrée, le programme de lutte contre le harcèlement, le programme PHARE a été généralisé. Il prévoit que cinq adultes par établissement soient référents harcèlement. Mais 65% des professeurs se disent encore mal formés sur le sujet. Les enseignants contactés disent ne jamais être sensibilisés sur ce sujet au sein de leur établissement. Il n’y a d’ailleurs pas de formation obligatoire.

Bien souvent, les professeurs avouent de grandes difficultés à percevoir ces situations, souvent dissimulées par les élèves harcelés comme harceleurs, pour se protéger. Une situation qui explique ce chiffre: un élève sur cinq ne parlerait jamais à personne du harcèlement qu’il subit par peur de voir les violences redoubler.

3020 - Numéro d'accompagnement des victimes de harcèlement (numéro gratuit)

Mahauld Becker-Granier avec Maxime Martinez