"La colère est toujours là": enquête sur le mal-être de la jeunesse en Seine-Saint-Denis

La mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre le 27 juin, a été suivie de violences et d'émeutes dans de nombreuses villes de France. Au-delà de ce drame, c'est une colère, présente depuis des années, qui s'est exprimée. RMC a donc choisi de passer plusieurs jours aux côtés des jeunes de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) pour comprendre ce ressenti.
"La violence s’est atténuée, mais la colère est toujours là, vous pouvez le demander à n’importe quel jeune. En fait, ce n'est pas que la mort du petit Nahel qui a fait ça, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il y a des contrôles pour rien du tout, ils [des policiers] parlent mal, ils provoquent tout le monde. Tant que la police se comportera comme ça, ça ne finira jamais", explique un jeune.
À Pierrefitte-sur-Seine, la mairie et le commissariat ont été caillassés et un bureau de tabac a été pillé lors des émeutes. Le tramway, lui, ne fonctionne plus, car il a été endommagé par les feux de poubelles.
"On vit le racisme tous les jours"
Les jeunes ont vécu comme des provocations la mort de Nahel puis la cagnotte créée par Jean Messiha, en soutien à la famille du policier. Cela a conforté leurs sentiments d’exclusion et de discrimination, chez ces jeunes de 17 ans.
"On vit le racisme tous les jours, mais on vit avec. On dirait qu’ils ne veulent pas nous voir grimper, qu'on soit à leur niveau. Quand ça parle de nous, ils n’écoutent pas, ils ont les oreilles bouchées", affirme l'un d'eux.
Les parents aussi voient bien les rapports se dégrader entre ces jeunes et les forces de l'ordre. "Ça n’est pas la haine, c’est la rage. La différence entre 2005 et aujourd’hui, c’est qu’en 2005, Kassovitz pouvait dire 'La Haine', mais aujourd’hui c’est autre chose, c’est la rage. La rage, c’est beaucoup plus grave parce qu’elle ferme les yeux, elle ne construit pas d'horizons politiques. Je crois que le gouvernement a du mal à l’entendre", explique Benoît Hazard, représentant de parents d'élèves au lycée Maurice Utrillo, à Stains, et engagé depuis plusieurs années pour les quartiers populaires.
Il est d'ailleurs d'un des seuls parents à avoir accepté de témoigner au micro de RMC, tant la tension est encore forte. Selon lui, "les jeunes veulent une justice et à partir de ce moment-là, peut-être qu’on pourra commencer à rétablir les conditions d’un dialogue entre la police et les jeunes des quartiers".
Des inquiétudes pour le 14 juillet
D'autres parents ont dit faire le même constat, mais sans vouloir être filmés. Ils attendent surtout une réponse politique, autre que la répression. Et si les scènes de violence ont pris fin, la crainte qu'elles reprennent le 14 juillet est bien présente.
"Chaque année, le 14 juillet, dans tous les quartiers de France, ça pète. Alors moi, je me demande ce qu'il va se passer ce 14 juillet, je n'imagine même pas", souligne l'un des jeunes.
La Première ministre Elisabeth Borne a déjà annoncé que les "moyens seront massifs pour protéger les Français" lors de ce week-end. De son côté, la Ville de Pierrefitte-sur-Seine ne semble avoir mené aucune action pour rétablir le dialogue et n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations.