Un examen médical tous les 15 ans pour le permis de conduire? "A partir d’un certain âge, ça peut être dangereux"

Faudra-t-il bientôt passer chez le médecin pour conserver son permis de conduire? Un vote au Parlement européen ce jeudi, a ouvert la voie à l'instauration d'une visite médicale obligatoire pour tous les conducteurs, tous les 15 ans. En commission, les eurodéputés ont approuvé le rapport de l'élue écologiste Karima Delli. Le contrôle médical inclurait notamment un test de vision. Si le texte, qui peut encore être remanié par des amendements, est voté, le choix d'instaurer ou non d'autres tests obligatoires, de même que l'intensité de ces tests médicaux, serait délégué ensuite à chaque Etat membre.
Alors qu’il y a 20.000 morts chaque année sur les routes européennes, Bruxelles a un objectif de mortalité nulle sur les routes européennes d'ici 2050. Aux Pays-Bas, à partir de 75 ans, l'automobiliste est contraint de passer un examen médical tous les cinq ans. C'est 70 ans au Danemark et en Finlande, 65 ans en Espagne ou République tchèque. En France, il y a deux mois, le ministre des Transports Clément Beaune s'est dit défavorable à ce test médical obligatoire pour les personnes âgées conductrices.
"Aucune amélioration"
Qu’en pensent les intéressés? Jacqueline, qui vient de souffler ses 95 bougies, se dit favorable à ce texte. Elle n'a plus touché un volant depuis sept ans, déjà. "Je trouve que c’est beaucoup plus raisonnable. A partir d’un certain âge, ça peut être dangereux. On peut avoir un malaise ou ne pas voir un panneau", confie-t-elle. Suzanne, elle, utilise toujours sa voiture. Mais à 77 ans, elle n'est plus tout à fait sûre de sa conduite: "S’il faut passer des tests, je les passerai. Je veux être sûre de mes capacités, si c’est pour la sécurité de tous". Emmanuel, 78 ans, n'est lui pas convaincu par ces tests. Il considère qu'avec une bonne voiture, tout le monde peut prendre le volant. "Les voitures modernes sont de plus en plus faciles à conduire, avec un régulateur et toutes les assistances possibles. Je peux faire 600 km sans forcément m’arrêter", assure-t-il.
L'Italie et le Portugal imposent déjà des contrôles obligatoires à partir de 50 ans. Mais pour Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, ces tests sont tout simplement inutiles. "Est-ce qu’on repasse son bac tous les 15 ans? Non! Le permis de conduire est un diplôme, remis en question par les points sur le permis. Partout, en Europe, où on a instauré le contrôle médical, il n’y a eu aucune amélioration sur cette catégorie des personnes âgées."
"On ne peut plus compter sur la responsabilité individuelle"
L'Association Prévention routière est plutôt favorable au maintien de la situation actuelle en France. Plutôt que de détecter les problèmes de santé tous les 15 ans, il faut suivre individuellement les conducteurs pour leur faire prendre conscience de leurs limites, selon la déléguée générale Anne Lavaud. "Assortir la conduite d’une obligation de visite médicale est inefficace, souligne-t-elle. Dans les pays où ça a été mis en place, essentiellement pour les séniors, ça a démontré que ça ne fonctionnait pas, que ça n’avait absolument aucun intérêt en termes d’accidentalité. Il faut plutôt faire prendre conscience aux gens de leur propre mobilité et surtout les inciter à être multimodaux dans leurs déplacements."
Au contraire, il faut que les autorités viennent trancher lorsqu'un conducteur doit arrêter de conduire plaide Pauline Déroulède, championne de tennis fauteuil, amputée de la jambe gauche après avoir été fauchée par un automobiliste âgé en 2018. "Il faut pouvoir contrôler de manière plus fréquente à partir d’un certain âge, sur le plan médical, demande-t-elle. Le conducteur qui m’a fauchée, il savait qu’il n’était plus capable de conduire et il avait prévu d’arrêter maintes et maintes fois. Mais c’est difficile et c’est pour ça qu’aujourd’hui, on ne peut plus compter sur la responsabilité individuelle et celle des familles de dire à leurs proches, qu’ils aiment, qu’ils doivent arrêter de conduire. C’est trop délicat, trop culpabilisant."