Inflation, pénurie de main d'œuvre... quels arguments utiliser pour demander une augmentation
Le contexte n’est pas favorable au pouvoir d’achat. En un an, l’inflation dépasse désormais les 6%. C'est un peu moins que chez nos autres voisins européens mais c’est du jamais vu en France depuis les années 80. Les augmentations de salaires, elles, ne vont pas aussi vite que l’inflation. Selon une étude de la mutuelle WTW, la hausse des salaires est de 3,3% cette année, moitié moins que l'inflation, et ça ne compense donc pas la perte de pouvoir d’achat.
Une question d'autant plus cruciale que, selon la Banque Centrale Européenne, les prix ne retrouveront leur niveau d'avant-crise avant 2024. Depuis plusieurs semaines, les appels lancés aux patrons se multiplient. Bruno Le Maire avait demandé fin juillet à "toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires". Le message a été bien reçu pour 30% des entreprises qui ont déjà revu ou envisagent de revoir l’enveloppe prévue pour les augmentations de salaires.
L'inflation, pas un argument?
Mais attention: utiliser l'inflation comme argument pour demander une augmentation n'est pas une bonne idée pour Olivier Coulomère, consultant à l'APEC, l'association pour l'emploi des cadres:
"Ce n'est pas ça qui entre en ligne de compte mais plutôt la situation de tension sur un certain nombre de fonctions, tous les métiers de la maintenance, de la logistique de la comptabilité, la pénurie de ces profils et les difficultés de recrutement qui vont justifier une augmentation de salaires", explique-t-il
En effet, l'inflation justifie des hausses de salaires, mais aussi les pénuries de main d’œuvre. Dans la restauration, l’hôtellerie, le bâtiment ou encore l’enseignement, il y a près d'un million d’emplois non pourvus en tout. Alors forcément il faut fidéliser les salariés qu’on a déjà. Mais ce n'est pas toujours évident quand on est une PME d’augmenter les salaires. Les cotisations coûtent - elles aussi - de plus en plus cher. Certains patrons réfléchissent à d’autres solutions : deux ou trois jours de congés en plus ou des tickets restaurant, pour donner du pouvoir d’achat en plus à leurs salariés de manière immédiate.
Mais pour Benoît Serre, vice-président des DRH et invité de la Matinale week-end de RMC, "jouer sur la pénurie de main d'œuvre, ce n'est pas forcément le bon argument" si on souhaite demander une augmentation à son DRH.
"Il faut avoir une raison professionnelle pour demander une augmentation: votre niveau de performance, votre niveau d'engagement, de service.", explique-t-il.
Il estime que c'est à l'entretien annuel, l'entretien de fin d'année, "qu'on juge votre année" et qu'il est possible de demander une augmentation. De plus, "toutes les entreprises suivent les rémunérations des secteurs où elles agissent. Pour une entreprise, si vous êtes trop décalés, vous allez perdre des gens et vous n'allez pas pouvoir les recruter."
Des dividendes au plus haut, les syndicats s'organisent
Cette semaine, le président de la République a sonné la fin de l’abondance et de l’insouciance. Dans le même temps on a appris que c’était l’abondance pour les dividendes, le revenu qu’une entreprise donne à ses actionnaires. Cette année les dividendes versés représentent 44 milliards d'euros: un record. Parmi les entreprises les plus généreuses, on retrouve quatre boîtes françaises: BNP Paribas, Sanofi, Axa et le groupe de luxe LVMH.
Un argument de plus pour les syndicats pour renégocier des hausses de salaires à la rentrée. Ces mêmes syndicats syndicats prévoient déjà des manifestations à la rentrée de septembre. Leur demande: l'indexation des salaires sur l'inflation.
"C'est le seul moyen pour être écouté c'est de mettre la pression. Aujourd'hui, les salariés de nos secteurs ne peuvent pas vivre: les agents de sécurité à 1.200 euros, les caissiers et caissières à 900 euros. C'est ça la réalité. Il faut une augmentation d'urgence des salaires" explique Amar Lagha, secretaire général de la CGT commerce et services.