INFO RMC. Un policier municipal au tribunal pour avoir harcelé et poussé sa conjointe à des tentatives de suicide

Un policier municipal d'Eure-et-Loir a été jugé ce jeudi après-midi au tribunal de Chartres pour harcèlement à l'égard de sa conjointe, qui a tenté de se suicider à de nombreuses reprises. Ce père de famille, aussi poursuivi pour violences et harcèlement sur deux de ses filles, avait mis en place un système de surveillance permanent de sa femme et leurs quatre enfants à l’aide de caméras et d’appels incessants. Il a été condamné à quatre ans de prison, dont un an et demi ferme.
La mère et sa fille de 20 ans s'étaient confiées à une inconnue qui traitait des violences conjugales sur le réseau social TikTok. C'est elle qui a donné l'alerte à la gendarmerie le 9 février 2022, qui a immédiatement contacté les deux femmes.
La fille a expliqué aux enquêteurs avoir fui le domicile familial en octobre 2021 à cause de son père pour qui "les femmes, ce sont des salopes, des putes, ça doit rester à la maison faire la cuisine". Elle avait "peur de lui" et parlait d’insultes et de menaces quotidiennes, d’une surveillance constante et de violences.
"Je vais te déglinguer"
La jeune fille remettait un audio en date du 13 mai 2021 sur lequel on entendait son père lui dire: “Tu pars de la maison, tu pars dans un fossé oui, je vais t’emmener dans le coffre de la voiture (…) je vais te déglinguer. (…) si tu parles de quoi que ce soit à ta mère, je te défonce”.
Elle comparait sa famille à "une secte" dont son père était le gourou. Chaque matin, avant de quitter la maison, elle devait lui envoyer une photo d’elle pour lui montrer comment elle était habillée, si elle était maquillée. Elle n’avait pas le droit d’inviter des amis chez elle ni de sortir.
Les échanges qu’il avait par messages avec ses enfants attestent de ce contrôle permanent sur leur vie. “Tu me remets tout ton maquillage avant de partir, à partir d’aujourd’hui inspection de ta chambre tous les soirs”, lui écrivait son père.
Dans un premier temps, la mère avait décliné la proposition d'audition des enquêteurs en expliquant que si elle rentrait tard, elle devrait se justifier auprès de son époux. Car, les gendarmes allaient vite le découvrir, il contrôlait tout.
Il avait mis en place quatre caméras de vidéosurveillance au domicile familial, dans le salon, dans le couloir, à l’étage et dans la cuisine. Les caméras étaient systématiquement activées, si sa femme ou l’une de ses filles éteignait les caméras, il était informé par une alerte sur son téléphone.
"Contrôle coercitif"
Autre découverte inquiétante pour les gendarmes: le mis en cause détenait de nombreuses armes à feu, fusils, pistolets. Sa conjointe, avec laquelle il était en couple depuis 22 ans, dénonçait au fur et à mesure des auditions des violences conjugales depuis le début de leur relation.
Elle ne pouvait quitter le domicile familial, car elle n'avait pas accès à son salaire. Elle devait justifier de chacune de ses dépenses en lui présentant le ticket de caisse, il surveillait chacun de ses faits et gestes...
En analysant les relevés téléphoniques, les gendarmes ont estimé que le suspect appelait sa conjointe en moyenne huit fois par jour. Elle devait lui envoyer des photos des personnes avec qui elle était, activer la géolocalisation dans les paramètres de son téléphone, il allait jusqu’à vérifier le kilométrage de sa voiture pour s’assurer qu’il correspondait bien au trajet à effectuer entre leur domicile et le domicile des personnes chez qui elle faisait le ménage.
"C'est parce que les gendarmes ont réuni beaucoup d’éléments que ma cliente a pris conscience de ce qu'elle avait subi et qu'elle est partie. Ce dossier, c'est la définition même du contrôle coercitif, elle était privée de toute liberté, de toute dignité, elle subissait une surveillance généralisée", affirme Me Marion Vivien, l'avocate de la plaignante.
Une personnalité "autoritaire"
Le sociologue Evan Stark a défini le contrôle coercitif comme "diverses tactiques, physiques ou non, utilisées par le conjoint violent pour isoler, dégrader, exploiter et dominer sa partenaire en la privant de liberté", il est criminalisé dans plusieurs pays comme au Royaume-Uni.
Une autre fille du couple a fait une tentative de suicide en août 2021 après une altercation avec son père qu’elle qualifie “d’oppressant”. Le mis en cause niait les faits au début de l’instruction, il évoquait une “éducation stricte”, dénonçait les “crises de jalousie” de son épouse.
Quid des caméras de surveillance au domicile ? Ce n’est pas pour surveiller sa famille, mais parce qu’il est “peureux, inquiet” ou bien encore pour “vérifier que sa femme va bien”. Mais après deux ans d’instruction, le mis en cause a fini par admettre “qu’il avait besoin de contrôler sa famille pour se sentir bien”.
L’expert psychiatrique a relevé un “hyper contrôle pervers et violent” et une dangerosité criminologique élevée, quant à l’expert psychologique, il notait une “personnalité autoritaire, contrôlant pour ne pas s’exposer à un effondrement narcissique”.
Plusieurs tentatives de suicides
Quand il a été placé en détention provisoire, c’est sa propre mère que le prévenu a mandatée pour continuer de surveiller son épouse, puis son fils. À tel point que la plaignante a quitté le domicile familial pour fuir la surveillance qu’exerçait désormais son enfant “comme s’il voulait prendre la place du père”.
La plaignante, qui est atteinte d’un stress post traumatique et qui souffre d’un “état dépressif majeur”, a fait plusieurs tentatives de suicide entre mai 2021 et l’été 2022, ce qui explique que la justice a retenu à l’encontre de son conjoint des faits de harcèlement avec la circonstance aggravante de la tentative de suicide qui fait qu’il encourt aujourd’hui 10 ans de prison. Contacté, son avocat n’a pas souhaité nous répondre.