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Meurtre de Marie Trintignant: "Qui peut écouter tranquillement une chanson de Bertrand Cantat?"

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Le documentaire Netflix sur le meurtre de Marie Trintignant par Bertrand Cantat remet de nouveau la lumière sur ce féminicide, qui ne portait pas son nom en 2003. Depuis sa sortie de prison, le chanteur a repris ses activités. "Il a le droit de se produire sur scène mais nous avons le droit de le boycotter", plaide sur RMC Yael Mellul, présidente de Femme et libre.

Chacun a souvent son avis bien défini sur l'affaire Bertrand Cantat, celle du chanteur du groupe de rock français Noir Désir, condamné à huit ans de prison en 2003 par la justice lituanienne pour avoir tué à Vilnius sa compagne Marie Trintignant. Chacun a souvent son avis bien défini sur le montant de sa peine, sur son droit à la réhabilitation, si oui ou non il est légitime à faire de nouveau de la musique, etc.

Un féminicide - qui n'était pas qualifié comme tel à l'époque - qui alimente régulièrement les débats et est devenu emblématique des violences faites aux femmes. Et c'est de nouveau le cas avec la diffusion sur Netflix depuis le 27 mars du documentaire De rockstar à tueur : Le cas Cantat. Il a déjà dépassé les deux millions de visionnages sur la plateforme, selon Le Parisien.

On peut y entendre le médecin légiste, Bernard Marc, faire état de lésions multiples au crâne et sur la face, une fracture du nez et un écrasement du larynx. Marie Trintignant a été battue à mort, avec acharnement. "Une quinzaine, une vingtaine de coups reçus."

"Au nom de l'art, de la réhabilitation, du pardon?"

Pas de féminicide à l'horizon pourtant à l'époque, non, mais bien un "crime passionnel". Sont souvent montrées dans les reportages, en 2003, les larmes du chanteur. La co-réalisatrice du documentaire, Anne-Sophie Jahn , a justement souligné au micro de RMC, fin mars, que le documentaire était "à charge contre les journalistes", celle-ci estimant que ces derniers n'avaient pas saisi l'ampleur du crime au moment des faits.

"Aujourd'hui, qui peut écouter tranquillement une chanson de Bertrand Cantat? Au nom de l'art, de la réhabilitation, du pardon?", s'indigne ce mercredi dans Estelle Midi Yael Mellul, présidente de l'association Femme et libre. "Quelques courtes années de prison, c'est régler définitivement l'ardoise de Bertrand Cantat? Comme si elles l'avaient purifié, comme si la prison était une absolution? La vraie question, c'est celle de l'oubli."

"Distinction entre le droit et la morale"

"Il faut faire la distinction entre le droit et la morale. Il a effectivement payé sa dette. Mais dans une société, il y a la question de la décence, de la morale, de l'éthique. Qui aujourd'hui peut décemment ne pas avoir l'âme retournée en écoutant Bertrand Cantat?"

"Cantat a le droit de chanter, il a le droit de se produire sur scène, les radios ont le droit de diffuser ses chansons. Mais nous avons le droit de le boycotter, d'éteindre la radio. La lumière autour de Bertrand Cantat vient éclairer les crimes du passé", estime ainsi Yael Mellul.

"Bertrand Cantat l’a tenue avec le genou sur la gorge. Le médecin légiste l’avait dit. C’était une exécution", a rappelé Lio mardi sur le plateau de C à vous

Quelques années après le meurtre de Marie Trintignant, la chanteuse Lio était l'une des seules personnalités médiatiques a dénoncer la notion de "crime passionnel", notamment sur le plateau de Thierry Ardisson en 2006. L'ancienne juré de La Nouvelle Star, que l'on voit dans le documentaire Netflix, évoque depuis plusieurs jours à nouveau cet épisode, comme sur le plateau de C à vous, mardi.

"Bertrand Cantat l’a tenue avec le genou sur la gorge. Le médecin légiste l’avait dit. C’était une exécution", a-t-elle rappelé, avant d'évoquer les répercussions sur sa carrière. "Après ma prise de parole sur l’affaire Cantat, je ne retrouvais plus un seul contrat. La maison de disques me trouvait folle et hystérique. Ma tournée a dû être annulée. J’ai juste dit les choses."

Suicide de Krisztina Rady: "un cold case"

Le documentaire revient également sur la mort de Krisztina Rády, qui s'est suicidée en 2010 et qui était à l'époque la compagne de Bertrand Cantat. "Il n'y a pas qu'une affaire Cantat mais plusieurs", a ainsi rappelé Anne-Sophie Jahn sur RMC. Celle-ci a regretté le manque de considération à son égard.

Affaire Cantat : faut-il arrêter de diffuser Noir Désir ? - 09/04
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Même son de cloche du côté de Yael Mellul, qui affirme que l'"on nous fait l'injonction d'oublier la mort de deux femmes." "Il est peut être responsable de sa mort", jauge-t-elle. "Il y a une omerta immense autour de Bertrand Cantat. Sa mort (celle de Krisztina Rády) est un "cold case", la manifestation de la vérité n'a pas encore été effectuée, il n'en demeure pas moins qu'elle est morte [...] Que valent la vie de ces deux femmes?", lance la présidente de Femme et libre.

"Les journalistes, il n'y a aucune limite à quel point je vous emmerde", assénait Cantat en 2018

Le chanteur, libéré de prison en 2007, a ensuite repris ses activités artistiques. Après la fin de Noir Désir, le chanteur a formé un nouveau groupe, Détroit et s'est produit à plusieurs reprises sur scènes dont le célèbre festival des Vieilles Charrues, à Carhaix (Finistère) en 2014.

Depuis, chacune de ses prestations sont souvent pointées du doigt et/ou perturbées, notamment par les milieux féministes. "Les journalistes, vous avez quelque chose contre moi [...] il n'y a aucune limite à quel point je vous emmerde", avait asséné le chanteur en 2018 lors d'un concert au Zénith de Paris.

Léo Manson