Transferts, armes, véhicules: ce que les agents pénitentiaires réclament après l’attaque dans l’Eure

Moins d'extractions de détenus et favoriser la pratique des visioconférences: c'est l'une des principales revendications qui sera soutenue par les syndicats ce mercredi 15 mai à 14h devant le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. L'émotion est toujours vive dans la profession au lendemain de l'attaque au péage d'Incarville (Eure) ayant visé un fourgon transportant un détenu et ayant causé la mort de deux agents pénitentiaires et blessé grièvement trois autres.
"Là où on est faible, où on est en danger, c'est l'extérieur"
"Là où on est faible, où on est en danger, c'est l'extérieur", a déclaré sur RMC Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat FO pénitentiaire. "Faut arrêter de sortir pour tout et rien", plaide-t-il, expliquant que les détenus sont parfois présentés devant un juge pour signer "un acte de divorce". "On pourrait le faire en visio ou le magistrat se déplace".
Pourtant, la pratique existe déjà mais demeure confrontée à l'accord du détenu et de son avocat, qui peuvent la refuser et ainsi préférer se présenter physiquement devant le magistrat. "On nous a cassé les c... pendant le Covid avec les visios, à en faire même de nuit. Maintenant que le Covid est terminé, il n'y en a plus", a fustigé Julien, surveillant pénitentiaire en Haute-Garonne.
Quatre niveaux de sécurité pour les escortes
La profession gronde d'autant plus que ces missions d'extractions n'ont pas toujours fait partie de leurs prérogatives. Le transfert de détenu est effectué par les agents du Pôle de rattachement des extractions judiciaires (PREJ), créé en 2011 à la suite du transfert de cette mission du ministère de l'Intérieur au ministère de la Justice. Ce déploiement s'est achevé intégralement sur le territoire français en 2019. Auparavant, les gendarmes et policiers s'acquittaient de cette tâche.
Les escortes sont hiérarchisées en quatre niveaux de sécurité. Celle de niveau 1 mobilisant deux agents, celle de niveau 2 deux à trois agents, l'escorte de niveau 3 trois, quatre ou cinq agents et deux véhicules, quand l'escorte de niveau 5 provoque l'accompagnement des forces de l'ordre et notamment une voiture ouvreuse.
Les agents armés avec de petits calibres
Si les syndicats comptent réclamer davantage de moyens humains, c'est surtout la question de l'équipement qui est problématique pour la profession. Les agents pénitentiaires ont de ce fait eu l'autorisation de porter une arme lors de ces transferts. "On n'est dotés que de 9 mm, ça reste du petit calibre", explique Yoan Karar, secrétaire général adjoint FO pénitentiaire, dans Les Grandes Gueules. "Quand on voit le commando" qui a attaqué le fourgon avec des armes de guerre, "malheureusement, l'issue ne pouvait être que fatale".
Les gendarmes et policiers, qui n'étaient donc pas mobilisés pour le transfert de Mohamed Amra - qui avait été évalué en escorte de niveau 3 - sont de leur côté habilités à utiliser des armes lourdes comme des fusils d'assaut.
Des véhicules identifiables sur la route
De même pour les véhicules: "On ne demande pas des véhicules comme la Brinks mais un juste milieu, des véhicules adaptés à nos missions", a également fait savoir Yoan Karar. La question se pose également de l'identification de ces véhicules qui circulent sur les routes. Le syndicaliste n'est pas pour autant favorable à un anonymat des véhicules. "Quand on est identifiés, dans la circulation, c'est plus rapide. Ça a son revers, on est plus exposés", a-t-il toutefois concédé.
Le péage est, par contre, une vraie "faiblesse", malgré la présence d'un boitier de télépéage, car il faut ralentir fortement voir s'arrêter. "Quand on se déplace, on doit éviter au maximum de s'arrêter".
Lutter contre la surpopulation carcérale
Yoan Karar lance également un appel aux magistrats. Selon lui, qui dit surpopulation carcérale dit multiplication des transferts de détenus. "Il y en a parfois 15-16 par jour, ils arrivent avec un car", a raconté Julien, surveillant pénitentiaire.
"Les décisions de justice sont faites par les magistrats. On est dans le 'tout-incarcéré'" a déploré Yoan Karar. Celui-ci a plaidé pour des aménagements de peine comme l'incarcération à domicile, "qui sont très peu prononcées". Pour le syndicaliste, les agents de la pénitentiaire devraient pouvoir être consultés, voire s'impliquer dans la décision relative aux peines des détenus. "On connaît nos détenus, leur dangerosité, leur prise en charge... On est plus à même de décider", a-t-il estimé.