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Police-Justice

Féminicide de Sandra: la famille de la victime, tuée par son ex-conjoint malgré des plaintes, attaque l'État

Une femme tient une pancarte indiquant "Féminicide partout, justice nulle part" lors d'une manifestation à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes à Paris, le 25 novembre 2023.

Une femme tient une pancarte indiquant "Féminicide partout, justice nulle part" lors d'une manifestation à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes à Paris, le 25 novembre 2023. - Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Malgré plusieurs plaintes pour violences conjugales et harcèlement, Sandra, 30 ans, avait été tuée par son ex-compagnon en 2021 à Bordeaux. Sa famille a engagé une procédure pour faute lourde contre l’État.

La famille d'une femme ayant multiplié plaintes et alertes contre son ex-conjoint violent, avant d'être tuée en 2021 à Bordeaux, a engagé une procédure pour "faute lourde" contre l'État, a indiqué mardi son avocate.

La mère, le frère et la fille mineure de la victime, parmi d'autres proches représentés par Me Elsa Crozatier, estiment que l'institution judiciaire a failli à sa "mission fondamentale de protection des citoyens". Ils demandent réparation via cette procédure intentée devant le tribunal de Paris et annoncée par France Inter.

De nombreuses plaintes

Sandra, 30 ans, a été mortellement poignardée chez elle, le 2 juillet 2021. Son ex-compagnon Mickaël, 36 ans, dont elle s'était séparée, a été arrêté peu après à son domicile distant de quelques centaines de mètres. Il doit être jugé pour assassinat par la cour d'assises de Gironde.

Les proches pointent un certain nombre de "dysfonctionnements", la jeune femme ayant porté plainte plusieurs fois pour violences conjugales et harcèlement.

Ils reprochent au juge des affaires familiales d'avoir refusé le 2 mars 2021, conformément à la position du parquet, d'accorder à la mère une ordonnance de protection. Elle voulait ainsi interdire à son ex-conjoint d'entrer en contact avec elle ou leur fille, née en 2017, comme le préconisait une association.

Ils jugent également "incompréhensible qu'aucune poursuite n'ait été initiée" dès la première plainte, le 6 janvier 2021, alors que les violences étaient "caractérisées" selon eux. Ils dénoncent enfin le "refus" de la police d'enregistrer, le 28 mars 2021, une nouvelle plainte de la victime pour harcèlement, au motif que les faits incriminés se déroulaient "sur la voie publique". Elle n'avait pu déposer qu'une main courante.

Deux jours après, elle adressait un "appel à l'aide urgent" à la présidence de la République, par courriel, et au procureur de Bordeaux, par courrier: "Il est certain que je ne tiendrai pas longtemps dans ces conditions et je crains le pire des dénouements sans votre intervention", écrivait-elle.

Un Etat incapable de protéger les femmes victimes?

Le 15 avril, le parquet avait ordonné une enquête sociale, confiée à une association. Après une ultime plainte, la victime avait été entendue par la police le 24 mai, répétant se sentir en danger, et l'ex-conjoint était placé en garde à vue le 29 juin.

Déféré au parquet, il en ressortait avec une convocation à comparaître le 16 novembre et un contrôle judiciaire lui interdisant d'entrer en contact avec la victime. Sandra avait été retrouvée morte trois jours plus tard.

L'an dernier, la famille de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari en 2021 à Mérignac (Gironde) a, elle aussi, lancé une requête en indemnisation pour "faute lourde" contre l'État, toujours en cours.

La victime avait déposé plainte deux mois avant d'être tuée. Une mission d'inspection avait relevé une série de défaillances. Cinq policiers avaient fait l'objet de sanctions disciplinaires.

Des proches de victimes de féminicides ont déjà fait reconnaître la faute de l'État, comme en 2020 pour un assassinat en 2014 à Grande-Synthe (Nord) ou en 2022 pour une affaire de 2018 à Marseille.

CA avec AFP