"Il y a énormément de tirs après un refus d’obtempérer": y a-t-il un problème avec la police?
Nouveau drame à Paris. Une jeune femme de 22 ans, passagère d'une voiture dont le conducteur venait d'effectuer un refus d'obtempérer, est morte des suites de ses blessures après avoir été touchée par des tirs de policiers samedi dans le 18e arrondissement de la capitale. Le conducteur, lui, a été grièvement blessé au thorax.
Toute la scène a été filmée. C'est ce qu'a révélé lundi sur BFMTV Laurent-Franck Liénard, l'avocat des trois policiers placés en garde à vue après le refus d'obtempérer. Et pour lui, il ne fait aucun doute: ils n'avaient pas d'autre choix que de tirer: "Ils étaient dans une situation très dramatique, où leur vie était véritablement en danger, où ils ont dû faire usage de leur arme. Ils l’ont ressenti comme une contrainte. Ils n’en démordent pas, ils disent: 'Si nous n’avions pas tiré, il y aurait eu des blessures graves voire des morts dans nos rangs'".
Face aux accusations d'usage disproportionné de la force, l'avocat conteste et réplique qu'il y a un refus d'obtempérer toutes les 30 minutes en France. "C’est la plaie de notre société. Et il y a le refus d’obtempérer aggravé, quand un conducteur ne s’arrête pas et met en danger les autres notamment les policiers. À mon cabinet, j’ai beaucoup de policiers et gendarmes qui en ont été victimes, qui ont été percutés", assure-t-il.
Mais l'affaire a déjà pris une tournure politique. Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France Insoumise, a dénoncé "une peine de mort pour un refus d'obtempérer". Des propos qui font réagir Loic Lecouplier, secrétaire général administratif du syndicat policier Alliance: "Les policiers ne se lèvent pas le matin avec l'envie de tuer quelqu'un. À chaque fois que cela arrive, c’est dans l’exercice de leur fonction", défend-il.
Des "homicides volontaires policiers" selon un avocat
Alors, les policiers dégainent-ils trop souvent leur arme de service ? Arié Alimi, avocat dans plusieurs dossiers où des agents ont fait feu, estime que le nombre important d'affaires de ce type pose question: "Vous avez énormément de tirs à la suite de refus d’obtempérer. Mais la plupart du temps, les morts et les blessés dus à l’usage des armes hors cadre légal, c’est plutôt lié à une mauvaise formation et un problème systémique, qui émane du ministère de l’Intérieur", assure-t-il, alors que deux hommes avaient déjà été tués fin avril sur le Pont-Neuf en plein Paris.
L'avocat Raphaël Kempf rappelle que la loi a évolué après l'agression violente de policiers à Viry-Châtillon, dans l'Essonne. "Depuis 2017, la loi dit que les policiers ont le droit de faire usage de leur arme en cas d'absolue nécessité et de façon strictement proportionnée, si un véhicule refuse d'obtempérer et que dans sa fuite, il risque de causer des atteintes à l'intégrité physique et à la vie des personnes. Théoriquement, cette loi est moins contraignante pour les policiers", explique-t-il ce mardi sur RMC.
"La police tue. Dans plusieurs cas, depuis 2017 et cette année, la police a tué. Je dirais même que la qualification juridique dans certains cas, c'est le meurtre. Je considère que ce sont des 'homicides volontaires policiers'. Je dis ça d'un point de vue juridique. La loi considère qu'un individu a envie de tuer quand il tire avec une arme létale dans une zone létale", ajoute Raphaël Kempf.
Un usage trop systématique de la force?
Pour Arié Alimi, il y a une utilisation démesurée et beaucoup trop systématique de la force par la police et la gendarmerie, comme avec les gaz lacrymogènes lors de manifestations.
"Lorsque des personnes vont manifester, notamment le 1er-Mai, on voit qu’il n’y a plus de famille, plus de poussette, plus d’enfant. C’était le cas auparavant mais plus aujourd’hui, parce qu’ils ont peur des gaz utilisés de manière immodérée, ils ont peur des lanceurs de balle de défense (LBD), des matraques, de cette violence qui s’est multipliée", déplore-t-il.
Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, avait d'ailleurs reconnu qu'au Stade de France il y a dix jours, lors de la finale de la Ligue des champions, les gaz lacrymogènes avaient été utilisés de manière disproportionnée.