"J’étais sa chose": les témoignages forts de la famille d'un ex-policier jugé pour violences intrafamiliales

Les yeux gonflés, la voix tremblante. À la sortie de la Cour d'appel du tribunal de Metz, où est jugé son ex-mari policier pour violences intrafamiliales, Véronique est très touchée. Le prévenu est policier et syndicaliste d'UNSA-police.
Une situation compliquée à gérer pour Véronique. Cette dernière, partie civile, a rappelé à l’audience et à la sortie de la salle la difficulté de déposer plainte contre un fonctionnaire de police: "Il appartient à un syndicat de police, il a été trésorier de ce syndicat de police, il faisait les avancements des gars. Les policiers avaient intérêt à plutôt être bien copains avec lui et c'est ce qu'il me disait en tout cas", raconte-elle.
"Comment vous voulez aller porter plainte dans un commissariat quand votre mari est policier et qu'en plus il est super influent. Ce n'est pas possible", poursuit-elle.
"Comme il était délégué syndical il me disait: 'si tu veux déposer plainte dans un commissariat rappelle-toi que c’est moi qui fais les avancements des policiers et il rigolait'", se souvient Véronique. Elle a bien tenté de se confier à des policiers dont elle était proche, mais ces derniers lui "ont fermé la porte au nez".

Un homme très violent
À la barre, Véronique a été précédée par l'un de ses deux fils, le plus âgé. Sa déposition a particulièrement marqué l'audience. Le garçon, âgé de 13 ans, a confié ressentir "de la haine et de la peur" vis-à-vis de son père.
"Si j’avais mal fait mes devoirs, pas rangé ma chambre, il me frappait, il me plaquait au mur et il m’étranglait. Avec mon petit frère on était terrifiés", a-t-il révélé.
Le collégien a également avoué avoir fait une tentative de suicide, avant de fondre en larmes.
Le prévenu parle de son côté d’une "éducation rude et stricte". A peine admet-il qu’il aurait pu être "plus souple, plus 2.0, plus laxiste". "Il y a un juste milieu entre une éducation stricte avec des violences et le laxisme", le reprend l’avocate générale. "Vos gamins ont raconté que chez vous, on se met autour de la table pour travailler et pour les contraindre vous posez l’arme de service à côté?", l’interroge la présidente. Le prévenu dément.

"Le seul moyen de l’apaiser, c'était d'avoir un rapport sexuel"
Les excès de colère de son ex-conjoint, Véronique les évoque elle aussi:
"Yves était colérique. Le seul moyen de l’apaiser, c'était d'avoir un rapport sexuel avec lui. J'étais sa chose."
Elle décrit également des rapports forcés sous la menace d’une arme et des rapports imposés avec d’autres hommes. Une instruction pour violences sexuelles est en cours, explique l’avocate générale à l’audience.
"Il était tellement grand tellement fort, j’étais convaincue que c’était une chance de l’avoir dans ma vie, confie l’ex-conjointe du prévenu. Donc je renvoyais l’image d’un couple parfait", poursuit Véronique.
Le policier soutenu par le chef de son syndicat
L’avocat de la défense Me Battle a plaidé la relaxe appelant la cour à ne pas prononcer "l’élimination d’un policier d’un homme et d’un père". Trois policiers sont venus témoigner en faveur du prévenu, dont le patron du syndicat UNSA Police, Olivier Varlet, un ami intime du couple:
"Yves, il est à 200%, il s’exprime parfois de manière brutale. Il avait une éducation casque à pointe, alsacienne, carrée. Je reste persuadé que si elle avait voulu se confier sur des violences physiques, la première personne à laquelle elle en aurait parlé, ça aurait été moi. J’étais le chef de son conjoint, j’avais une emprise sur lui".
Or, Véronique s’était bien confiée à lui pour dénoncer des violences sexuelles, des accusations auxquelles il n’avait accordé aucun crédit. "Chaque fois que j’ai eu affaire à des policiers violents dans la sphère intrafamiliale, ils sont aussi violents dans le travail sur la voie publique avec leurs collègues et avec Yves, on n'a jamais eu de problèmes ou de mauvais comportements. Je ne peux pas croire qu’on soit radicalement différent à l’intérieur de la famille ou à l’extérieur", affirme Olivier Varlet.
"Je veux juste qu'on soit reconnus comme victimes"
"C’est justement toute la problématique des violences intrafamiliales", lui assène l’avocat des enfants Me Jean Tibéri. "Quand on entend tous ces policiers qui ont défilé à la barre parler de violences intrafamiliales, on se dit qu’on a encore du boulot, et de la formation à faire", ajoute-t-il.
"Moi je veux juste qu'on soit reconnus comme victimes", conclut de son côté Véronique, l'ex-épouse.
Une peine de 18 mois de prison avec sursis et le retrait de l'autorité parentale ont été requis contre lui. C'est la peine à laquelle il avait été condamné en première instance. L'avocate générale a proposé également la mise en place d’un bracelet antirapprochement pour protéger la partie civile. La décision doit être rendue le 18 avril prochain.