RMC
Police-Justice

La guerre contre le narcotrafic peut-elle être gagnée? "Il faut changer de méthode" pour le procureur de Marseille

placeholder video
Un rapport confidentiel de l'Office antistupéfiants, paru fin juillet, tire la sonnette d'alarme sur le trafic de drogue, un phénomène difficile à endiguer pour les forces de l'ordre et la justice. Et ce, partout en France.

Un phénomène voué à perdurer? La France serait l'un des pays européens les plus consommateurs de drogue et particulièrement de cocaïne, rapporte l'Ofast, l'Office antistupéfiants. Mais pour mener à une explosion de la consommation, les réseaux criminels ont dû se renforcer, accompagnés d'un regain de violence.

L'an dernier, 367 assassinats ou tentatives d'assassinats liées au trafic de stupéfiants ont été enegistrées, avec des méthodes particulièrement violentes devenues extrêmes, évoque l'Ofast.

À Marseille, historiquement connue pour être en proie au narcotrafic, le procureur de la République Nicolas Bessone se félicite ce mardi 5 août sur RMC de la baisse des meurtres liés à la drogue. Si le magistrat ne réfute pas le potentiel lien des récents meurtres dans la citée phocéenne avec du trafic, ce dernier évoque une baisse des "narchomicides".

"Nous sommes à neuf morts depuis le début de l'année et sur une projection de 16 homicides d'ici à la fin de l'année, contre 49 en 2023, une année particulièrement sanglante", note Nicolas Bessone.
L'interview RMC : Nicolas Bessone - 05/08
L'interview RMC : Nicolas Bessone - 05/08
12:09

L'ensemble du territoire touché

Ce qui ressort également du rapport de l'Ofast c'est que les grandes villes ne sont désormais plus seules à subir ces dérives liées au trafic. L'organisme évoque même une menace existentielle à l'échelle de la France dans son rapport, notant qu'aucune région n'est épargnée et parle même de "tsunami blanc". Invités à réagir, les auditeurs de RMC ont pris la parole sur le sujet.

L'un d'eux, Hugo, 37 ans, habitant de Clermont-Ferrand depuis sa naissance, évoque la transformation de sa ville "autrefois douce et paisible" en "trafic, règlements de comptes et municipalité inexistante" en seulement dix ans.

Une information reprise de concert par Nicolas Bessone. "Clermont-Ferrand est un sujet d'attention pour le procureur de Marseille, il se dirait que certaines organisations marseillaises pourraient y tenir des points de deal. Vous partez des grandes agglomérations, mais vous avez une diffusion sur l'ensemble du territoire national", évoque-t-il.

Une lutte perdue d'avance?

Ce que relève aussi le rapport, censé être confidentiel, c'est le chiffre d'affaires colossal que tirent les trafiquants du commerce de drogue. En 2023, le marché représentait un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros, permettant à près de 200.000 personnes d'en tirer profit. Lorsque seulement 100 millions sont saisis annuellement. Une donnée qui pousse à se questionner les efforts menés.

De son côté, Nicolas Bessone se félicite plutôt de la prise de conscience des services répressifs qui ne se limitent plus à "seulement saisir la marchandise". "Il faut changer les méthodes de travail, travailler non plus sur le produit, mais sur l'organisation et sur les flux financiers. Je préfère récupérer les avoirs criminels, car sans argent, ils ne peuvent plus investir, plus corrompre et plus tuer", déclare le procureur.

Et d'ajouter que la récente loi sur le narcotrafic donne désormais plus de moyens aux magistrats pour endiguer le phénomène. "À nous de la mettre en oeuvre avec le plus d'intelligence possible pour être efficace".

Lilian Pouyaud