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"Narcoterrorisme", "ensauvagement": les vérités du nouveau procureur de Marseille sur le trafic de drogue

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Nouveau procureur de Marseille, Nicolas Bessone a fait un panorama de la situation liée au trafic de drogue dans la ville, dans Apolline Matin ce vendredi sur RMC.

Des trafiquants de plus en plus jeunes…

Nicolas Bessone, nouveau procureur de Marseille, sur RMC.

"C’est très inquiétant. Sur les points de deal, nous avons un phénomène de ‘jobeurs’, qui sont recrutés sur toute la France. Ce sont des jeunes, souvent mineurs. On constate la même chose sur les tueurs, ceux qui sont employés par l’organisation pour faire des règlements de compte. On a un certain nombre d’auteurs mineurs. Avec un très fort rajeunissement de ces auteurs, qui ont entre 18 et 25 ans. En Italie (dans les années 80-90, NDLR) c’était encore pire, on avait des enfants de 10-12 ans avec l’objectif de rechercher l’impunité pénale en raison de la minorité des auteurs. Là, on est pluôt dans l’immédiateté, le rêve marseillais si l’on peut dire… Ce sont des recrutements sur les réseaux sociaux, avec des jeunes totalement déstructurés qui vont se mettre au service des organisations pour l’argent."

… et de plus en plus violents

"Ils sont à l’image de notre société. Ce sont très souvent des profils avec des tranches de vie compliquées, des familles monoparentales. Parfois, il y a des pères. Mais effectivement, la délinquance en général et celle-ci en particulier est souvent liée à l’absence de père. Ils sont dans l’immédiateté et une perte complète de valeurs. Ils vont monter sur des règlements de compte comme vous, vous iriez acheter votre baguette de pain. C’est ce qui est tout à fait inquiétant. Et aussi une absence de professionnalisme, si on peut parler ainsi, par rapport au milieu traditionnel que j’ai connu au début de ma carrière. On a employé le terme un peu fort de narcoterrorisme. Vous allez aller avec une kalachnikov sans savoir nécessairement très bien vous en servir et rafaler un point de deal. Ce qui peut entraîner, on l’a vu sur Marseille à deux ou trois reprises mais également récemment à Dijon, des victimes collatérales qui n'ont rien à voir avec le trafic. C’est de l’ultra violence, c’est évident."

"Ces jeunes sont aussi victimes de ces faits-là. Une de mes premières affaires à mon arrivée à Marseille, qui m’a marqué, c’est ce jeune Savoyard, 16 ans, recruté sur les réseaux sociaux, pris en charge à la gare Saint-Charles, amené sur le point de deal, et supprimé quatre heures après… C’est de la chair à canon. C’est de l’ensauvagement, certainement. Et la responsabilité de ce jeune de se livrer au trafic, certainement. Mais il est victime tout aussi certainement."

L'invité du jour : Nicolas Bessone - 01/12
L'invité du jour : Nicolas Bessone - 01/12
11:21

Le consommateur au cœur de la problématique

"C’est une problématique globale. Si vous n’avez pas de consommateur, vous n’avez pas de point de deal, pas de trafic. J’en appelle à la conscience de ces jeunes et de leurs familles, parce qu’il y a une responsabilité parentale. Je prends des termes un peu forts mais quand vous un jeune de 16 ans d’un quartier bourgeois de Marseille va acheter sa barrette de shit sur un point de deal, il est, certes indirectement, lui aussi responsable de l’assassinat de son frère de 16 ans qui lui est charbonneur sur le point de deal. Ces jeunes-là, je les poursuis et je les sanctionne sans aucune retenue. Mais ne sont-ils pas eux aussi des victimes de traite d’êtres humains quand ils sont séquestrés, torturés, parce qu’ils ont volé 20 euros au réseau pour aller s’acheter un sandwich?"

Socayna, "un dossier prioritaire"

"Socayna (une jeune Marseillaise de 24 ans tuée dans son appartement par une balle perdue, NDLR), c’est un dossier qui est prioritaire pour la police judiciaire, pour le magistrat instructeur et pour le parquet de Marseille. Je ne peux pas rentrer dans les détails du dossier mais j’espère avoir prochainement une suite positive. Là, on atteint l’intolérable. Il est particulièrement important qu’on élucide cet assassinat."

"Je ne pense pas que la justice soit plus longue à rendre. Il nous manque des enquêteurs et les procédures sont certes plus complexes, mais on peut rendre des décisions dans des délais raisonnables. Les moyens ont été très fortement augmentés. Arrêtons de nous plaindre, organisons-nous pour rendre une justice de qualité dans des délais raisonnables. (…) Quand on subit une telle vague de narco-homicides (à Marseille), il est important d’avoir des moyens. Mais ils ont été très fortement augmentés par notre ministre, Eric Dupond-Moretti. Depuis qu’il est arrivé, on a augmenté très fortement les effectifs. C’est à nous maintenant de potentialiser ce bénéfice pour obtenir des résultats pour notre population. (…) Cette ville a besoin de paix et de calme."

Donner les prénoms des suspects pour "être totalement transparent"

"(Faut-il donner les prénoms des suspects, comme à Crépol?) Je ne peux parler que pour moi-même, je ne suis pas le représentant de l’ensemble des procureurs de la République. Je crois que nous avons tout intérêt à être totalement transparent, à donner les prénoms. Après, on part dans le fantasme. Le procureur, en vertu de l’article 11 du code de procédure pénale, doit donner des éléments objectifs. Il me parait tout à fait important d’indiquer comment les faits se sont passés. On surfe toujours avec la limite. Il faut évidemment éviter de révéler des faits qui risquent de nuire à la poursuite des investigations. Sous cette seule réserve, je crois qu’on n’a rien à perdre à être transparent."

LP