Salon de l'agriculture: pourquoi le Maroc est un invité d'honneur qui fait grincer des dents

Le Maroc s'invite au Salon de l'agriculture, qui ouvre ses portes samedi 22 février, à Paris. Le pays du Maghreb a été invité spécialement pour cette 61e édition. C'est la première fois qu'une nation étrangère est ainsi mise à l'honneur. Un choix "de cœur et de raison" a justifié la directrice du salon Valérie Le Roy.
Cette invitation ne va pas sans critique du monde agricole et crispe les producteurs français, en particulier ceux de tomates cerises. L'année dernière déjà, ils avaient désigné les tomates cerises marocaines comme le symbole d’une concurrence déloyale. Un accord de libre-échange a été signé en 2012 entre le Maroc et l’Union européenne, et permet l'importation hors saison de 280.000 tonnes de tomates cerises sans aucune taxe.
Une main d'oeuvre moins chère au Maroc
Ce traité signé avec le pays du Maghreb est vivement critiqué par la Coordination Rurale.
"Comme toujours, on accepte des produits qu'on est capable de produire. On est rentrés dans cette logique d'accord de libre-échange, ce que la Coordination Rurale a toujours rejeté", déplore sa présidente, Véronique Le Floc'h.
Elle regrette surtout que la France est le principal pays ciblé par l'arrivée des tomates cerises marocaines: "85% des volumes d'exportation à partir du Maroc vers l'Europe reviennent à la France."
Le problème majeur de cet accord, selon elle, c'est qu'il crée une concurrence déloyale. "Par rapport au Maroc, la main d'oeuvre est 10 fois plus chère, l'énergie est 10 fois plus chère. Finalement, on se retrouve à ne pas être compétitifs par rapport à ces produits qui sont achetés et importés par nos grandes surfaces", regrette la présidente de la Coordination Rurale Véronique Le Floc'h, au micro d'Apolline Matin, sur RMC ce vendredi.
"Ça crée une concurrence parce que ça permet d'avoir beaucoup plus de production. Un salarié à plein temps nous coûte à peu près 2.000 euros", ajoute Sébastien, maraîcher et syndiqué à la Coordination Rurale.
Producteur dans les Bouches-du-Rhône, Tristan a lui constaté l'impact de cette concurrence sur son exploitation. Il plante "beaucoup moins de tomates cerises". Tristan pointe du doigt la hausse des coûts de production en France:
"En l'espace de 10 ans le prix n'a pas augmenté. Mais la main d'oeuvre, tout a explosé, donc on ne peut pas suivre."
Le timing des importations interroge
Certains agriculteurs, eux, dénoncent le recours aux pesticides au Maroc, mais d'après une organisation de producteurs français, aucune trace de produit non réglementaire n'a été retrouvé dans les produits marocains. Autre raison de la colère, les importations ne cessent d'augmenter l'été alors qu'il s'agit du pic de production en France. "C'est quand les producteurs ont besoin de valoriser leur propre production", regrette Marine Colli, spécialiste des politiques agricoles, "c'est là que la différence de coût fait le plus mal aux producteurs français."
Pour éviter que la situation se dégrade davantage pour les producteurs, une feuille de route a été présentée, mercredi, par Christophe Hansen, le commissaire européen à l'Agriculture. Le but de cette dernière est d'aligner les normes de production des produits importés sur celles des produits cultivés en Europe. Un rapport remis au ministère français de l'Agriculture recommande, lui, une modification des taxes douanières afin de préserver la filière française.
Des manifestations pourraient avoir lieu à ce sujet au Salon de l'agriculture. La Coordination Rurale, qui mène le combat contre l'accord entre l'UE et le Maroc, souhaite que ce dernier soit annulé.