Canicule: faut-il se passer de la climatisation afin de préserver l'environnement?

42,7°C à Lapalaud (Vaucluse), jusqu'à 42,5°C dans la Drôme… Le thermomètre frôle des sommets dans la moitié sud de la France, et devrait continuer à s'affoler ce mardi. Alors, si chacun a sa technique pour contrer les effets de la chaleur, la solution de simplicité ne tient pour beaucoup qu'en un mot : la clim'.
Une fausse bonne idée, si l'on prend en compte la question de la sobriété énergétique? S’il est indispensable pour certains publics fragiles, le climatiseur accroît cependant la demande en énergie et donc les émissions de gaz à effet de serre. Chaque année, 1.918 tonnes de ces gaz néfastes s’échappent des climatiseurs français, selon l’Agence de la transition écologique, rejetant 3,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère.
En revanche, selon la revue scientifique The Lancet, 195.000 vies ont été sauvées dans le monde en 2019 grâce à la climatisation, un triplement en vingt ans - même si les particules fines générées par l’utilisation de la climatisation ont causé 21.000 décès à l’échelle planétaire.
Entre 1500 et 2000W par heure
Malgré ces considérations énergétiques, les installations de climatiseurs chez les particuliers français semblent loin d'être en baisse. À Marseille (Bouches-du-Rhône), Julien Barbero installe des climatisations chez les particuliers et en ces moments de grande chaleur, il est très sollicité.
"Depuis à peu près trois semaines, on a une augmentation de, grosso modo, une vingtaine de pourcents comparé à l'année dernière", explique l'installateur de climatiseurs. Du côté de Pascale, une Marseillaise détentrice d'un climatiseur à domicile, l'utilisation de la climatisation est quelque peu culpabilisante.
"On la met très peu, on essaye de l'utiliser avec parcimonie, car on essaye de trouver un équilibre entre notre confort personnel et le souci plus collectif et écologique", détaille Pascale.
Pour les citadins, en moyenne, l'utilisation d'un climatiseur mobile consomme entre 1500 et 2500 watts par heure. S'il est branché du matin au soir, la consommation est similaire à un lave vaisselle qui tournerait toute la journée.
Une hausse de 2°C causée par les climatiseurs en ville
De plus, pour rafraîchir une pièce, un climatiseur de type réversible aspire la chaleur et la renvoie à l'extérieur, ce qui crée des îlots de chaleur notamment en ville où les climatiseurs sont nombreux.
Comme l'explique Cécile De Munck, chercheuse en climatologie au CNRM, "la chaleur rejetée par chaque climatiseur est assez conséquente pour augmenter la température de l'air à l'échelle de toute une ville". Et d'après des études réalisées avec "des modèles assez robustes", Cécile De Munck affirme qu'en période de canicule, "on a pu mettre en évidence une hausse de l'ordre de 2°C en moyenne".
Alors, aux yeux de la scientifique, "la clim doit être un complément" que l'on pourrait ne réserver qu'aux "personnes fragiles : les personnes âgées, les malades et les enfants". Enfin pour ceux qui ressentent le besoin d'avoir un climatiseur ou pour ceux qui ont déjà franchi le pas, Cécile De Munck conseille de "régler une température pas trop trop fraîche", à une température équivalente à "la recommandation (qui) est de 26°C."
Invitée du Face-à-face sur RMC et BFM TV, Sandrine Rousseau, députée Nupes-Europe Écologie-Les Verts de Paris, a de son côté préféré mettre l'accent sur la rénovation de l'isolation des bâtiments face au développement des climatiseurs "qui ne peuvent pas être la solution car ça fait partie du problème". Face à Benjamin Duhamel, Sandrine Rousseau a assuré qu'il existait "d'autres solutions" pour éviter de recourir à des climatiseurs en temps de forte chaleur.
"Si on démarre pas le camion, on va mourir"
Mais pour certains cas, comme celui de Sébastien un auditeur de RMC, ces solutions ne s'appliquent pas à sa situation bien particulière. La climatisation, Sébastien en a, en l'occurrence, énormément besoin.
Chauffeur routier à l'international, il affirme que "s'il n'y a pas de clim', on ne peut pas travailler". Expliquant ne pas être "contre les écolos", Sébastien a pris le temps d'expliquer en quoi une climatisation est, dans son cas, vitale.
"Vu que je fais des horaires décalés en travaillant la nuit, dormir la journée en plein soleil dans un camion… (...) Donc malheureusement on est obligé de dormir avec le moteur qui tourne pour avoir de l'air frais. J'ai déjà eu un coup de chaleur dans le camion et j'ai fini à l'hôpital à cause de ça", explique Sébastien.
"Quand il fait 40 degrés dehors, j'ai un thermomètre laser pour mesurer la température dans la cabine. Sur le matelas, j'ai à peu près 40 degrés, et au plafond ça dépasse les 60. Donc si on démarre pas le camion, on va mourir tout simplement", conclut Sébastien à l'antenne.
Alors, si les systèmes de climatisation dans les véhicules comme celui de Sébastien ne sont pas prêts de disparaître, ceux dans les habitations non plus… À en croire l'Agence internationale de l'énergie, 1,5 milliard de climatiseurs sont déjà installés dans le monde. Un chiffre qui devrait tripler d’ici à 2050.