Cannabis: une députée Renaissance tacle "l'impasse" et les "résultats décevants" du système français

Acheter du cannabis, en posséder et même en faire pousser sera sans doute bientôt possible en Allemagne. Le gouvernement a adopté un projet de loi en Conseil des ministres, qui sera accompagné d'une campagne de prévention visant les jeunes.
De quoi ouvrir le débat en France, le plus gros consommateur européen, qui est également doté de l'arsenal le plus répressif en la matière? Pas si sûr, alors que le président de la République Emmanuel Macron et surtout son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin se sont plusieurs fois prononcés contre. Mais dans les rangs de la majorité, des voix dissonantes se font entendre.
C'est le cas de la députée Caroline Janvier qui appelle à s'inspirer de l'Allemagne:
"En France on est dans une impasse avec un système prohibitif et des résultats très décevants", constate-t-elle ce jeudi sur RMC et RMC Story.
"On est un des pays les plus consommateurs, et l'on échoue, tant sur la sécurité, que sur la santé, à protéger nos jeunes", ajoute l'élue du Loiret qui cite l'exemple du Portugal où la consommation a été dépénalisée et est deux fois inférieure à celle de la France.
"On a trop fermé les yeux sur une situation d'impasse"
En 2020, une mission de l'Assemblée nationale de 14 mois sur le cannabis avait mis en lumière "le constat d'échec du système français", proposant "une légalisation encadrée pour que l'Etat reprenne la main sur le système tenu par des organisations criminelles".
Mais depuis, la situation n'a pas bougé en France. Le ministre de l'Intérieur martèle que le cannabis "c'est de la merde" et l'exécutif a mis en place une amende forfaitaire pour sanctionner les consommateurs. Une politique qui ne marche pas assure Caroline Janvier:
"On a trop fermé les yeux sur une situation d'impasse. Les jeunes consomment des substances de plus en plus dosées en THC. Des quartiers comme à Marseille ne sont pas protégés des trafics. Le discours actuel ne suffit pas à gérer une situation qui déborde", avance l'élue.
Une majorité des députés favorables?
Au sein de la majorité, elle l'assure, un certain nombre est favorable à une légalisation, une autre partie à une dépénalisation: "Une majorité de députés est d'accord pour dire que ce qu'il se passe ne fonctionne pas aujourd'hui. Clairement l'Assemblée nationale comme l'opinion publique française le constate aussi", estime Caroline Janvier.
Quant au président de la République, la députée rappelle qu'en 2016, Emmanuel Macron avait déjà reconnu l'inefficacité des politiques publiques en vigueur. Malgré des légers revirements présidentiels, Caroline Janvier estime que la dépénalisation ou la légalisation "c'est le sens de l'histoire".
Des économies et des recettes
La France est le pays de l’Union européenne qui compte en proportion le plus de consommateurs et de consommatrices de stupéfiants, avec 45 % des 15-64 ans qui ont déjà consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, contre 27 % dans l’ensemble de l’Union européenne, selon un rapport du Cese, le Conseil économique, social et environnemental, qui s'est prononcé en janvier dernier pour une "légalisation encadrée" en France.
Selon les estimations du cercle de réflexion Terra Nova, la simple dépénalisation du cannabis pourrait permettre d'économiser 300 millions d'euros avec la baisse des coûts de la répression. Et les recettes fiscales avec la légalisation permettraient à l'Etat d'engranger entre 1,7 et 2,2 milliards d'euros.
Consommation encadrée en Allemagne
Outre-Rhin, il n'y aura pas de vente en libre-service. Il faudra passer par un "Cannabis social club" dont le fonctionnement sera contrôlé par les autorités. Après s'être acquitté d'une petite cotisation, tout Allemand de 18 ans et plus pourra s'y approvisionner à prix coûtant dans certaines limites et même cultiver jusqu'à trois plants pour son propre usage.
Ces "Cannabis social clubs" ne seront pas des lieux de consommation comme les "coffee shops" aux Pays-Bas. Pour fumer, il faudra s'en éloigner d'au moins 200 m, tout comme il faudra se mettre à l'écart des écoles ou des aires de jeux
Avec ce projet de loi, le ministre allemand de la Santé espère réguler la consommation de cannabis chez les jeunes, endiguer la hausse de la criminalité et assécher le marché noir. Le texte doit être voté par le Parlement dans les mois à venir.