Santé: les promesses d’Emmanuel Macron contre les déserts médicaux sont-elles tenables?

Savez-vous combien il y a d’habitants en France en 2023? 68 millions. Combien étions-nous il y a 20 ans, en 2003? 60 millions. Autrement dit, en 20 ans, la France a gagné 8 millions d’habitants. Et parmi eux, de plus en plus de personnes âgées. Maintenant, la question qui tue: a-t-on augmenté dans les mêmes proportions le nombre de médecins, d’infirmières, de kinés, d’aides-soignants? Evidemment, non.
Le problème des déserts médicaux commence là. Pendant 20 ou 30 ans, les responsables politiques n’ont tenu aucun compte de la démographie pour adapter l’offre de soins. Pire: on a demandé aux professions médicales de faire plus avec moins. On a même limité le nombre de médecins formés, au nom d’un principe fou: moins il y aurait de médecins, moins il y aurait de dépenses de santé. On voit le résultat.
Ce raisonnement vaut d’ailleurs pour tous les services publics: école, police, justice… Et ça ne va pas s’arranger: dans 52 départements, plus de la moitié des médecins généralistes ont plus de 55 ans. Ça veut dire beaucoup de départs à la retraite dans les dix ans qui ne seront pas compensés par les arrivées de nouveaux praticiens.
Emmanuel Macron a tout de même mis fin au fameux numerus clausus, mais ce n’est que depuis septembre 2021 que le nombre de places en 2e année de médecine est déterminé par les universités en fonction des besoins de santé du territoire. Les effets de cette décision ne se feront donc sentir que dans dix ans.
De nouvelles promesses, mais des annonces contestées
Pourtant, mardi dernier, Emmanuel Macron a fait de nouvelles promesses. Notamment que les 600.000 patients atteints de maladie de longue durée et qui n’ont pas de médecin traitant en auront un. Dans certains départements (comme la Seine-Saint-Denis), l’assurance-maladie démarche ces patients un par un. C’est long mais ça marche. Mais il y a deux bémols. L’assurance-maladie dit que cela concerne 714.000 personnes et bientôt 800.000 fin 2023. Et au total, ce sont 6 millions de Français qui n’ont pas de médecin traitant.
Dans Le Parisien, Emmanuel Macron disait: "Je me tape les corporatismes". Il vise les médecins. Notamment à propos de ce qu’on appelle la délégation d’actes: que les pharmaciens puissent prescrire certains médicaments, que les opticiens puissent vérifier la vue, que les infirmières de pratique avancée puissent renouveler des ordonnances… Peut-on vraiment s’étonner, dans ces conditions, que les médecins dénoncent une médecine à deux vitesses, voire une médecine low cost?
De même, il est question d’augmenter le prix de la consultation des médecins libéraux de 1,50 euro, soit 26,50 euros. L’assurance-maladie était prête à aller plus loin, mais à la condition que les médecins acceptent de nouvelles missions (plus de patients, permanence de nuit et de week-end…) Un peu sur le modèle des augmentations de salaires des profs. Si vous voulez plus, il faut travailler plus. Ce contrat d’engagement a évidemment suscité un tollé, mais peut-on dire que c’est du corporatisme?
Le "chiffon rouge" de la contrainte à l’installation
Les internes en médecine refusent aussi de jouer les bouche-trous des déserts médicaux. Mais on peut les comprendre. Le gouvernement a fait inscrire dans le projet de loi de financement de la Sécu pour 2023 une 4e année d’internat en médecine générale "en priorité dans les zones où la démographie médicale est faible". Depuis, le ministre n’a rien annoncé de concret mais les internes appellent à la grève le 28 avril prochain.
Mais la mesure la plus éruptive, c’est la contrainte à l’installation. Là, c’est carrément le "chiffon rouge". Une mesure que poussent de très nombreux élus locaux et notamment le député socialiste Guillaume Garot, qui a déposé une proposition de loi transpartisane. Le député Horizons Frédéric Valletoux, ancien président de la Fédération hospitalière de France, a lui déposé une autre proposition de loi pour mettre en place une obligation de participation à la permanence des soins.
Vous avez compris: le constat fait consensus. Les mesures envisagées beaucoup moins. En clair, les médecins ne veulent pas payer les erreurs politiques commises depuis 30 ans.