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"Il faut prendre des mesures": faut-il dénoncer ses proches jugés inadaptés au volant ?

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La mort d'une nonagénaire dans un accident de la route, survenue dans le Nord le jour de Noël, a ravivé le débat sur le permis à vie et la dénonciation de certains conducteurs.

Le jour de Noël, une femme de 91 ans est morte dans le Nord après avoir roulé à contre-sens sur l’autoroute sur plusieurs dizaines de kilomètres. En raison de l'âge de la conductrice, ce fait divers a remis sur la table le sujet du permis à vie, ainsi que la dénonciation en cas d'inaptitude à la conduite.

Pour éviter ces accidents, l’Etat propose depuis 2017 de dénoncer un proche à la préfecture. Ce signalement peut aboutir à la suspension du permis après analyse du courrier. Le préfet demande une visite médicale et prend sa décision, le tout en une trentaine de jours.

Sauf que ce dispositif est loin de faire l'unanimité. Marc, 63 ans, raconte au micro de RMC qu'il y est favorable. “Sans aucun état d’âme, car j’en ai vu qui étaient trop dangereux. On devrait avoir une visite comme dans d’autres pays, où est le suivi derrière?", lance-t-il.

A vous de nous dire : Dénonceriez-vous un proche inapte à conduire ? - 27/12
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Mais, pour Liliane, 76 ans, “la dénonciation est d’un autre temps". D'autant plus que, "dans les familles, ça peut susciter des règlements de compte".

Pour Antoine Régley, avocat en droit routier, il ne faudrait utiliser ce dispositif qu’en cas de dernier recours. “La dénonciation, quand on sait en plus les relations parfois tumultueuses qui peuvent exister parfois dans les familles où on pourrait avoir des dénonciations qui ne sont pas vraies, je me dis que c’est un système qui est trop imparfait et qui, en plus, discrimine énormément”.

"Il faut institutionnaliser"

La France fait partie des pays les plus souples en matière de permis de conduire. Dans d'autres pays européens, des contrôles sont pourtant régulièrement organisés. Sauf qu'en France, c'est à vie, et ce dispositif devrait évoluer pour Gilles Fouriscot, avocat de victimes de la route.

"Il y a une exception, qui devrait être le principe, c’est que tous les professionnels de la route, à savoir les conducteurs d’ambulances, de taxis, de VTC ou de transports en commun, ont régulièrement des visites d’aptitude tous les cinq ans jusqu’à 60 ans, puis tous les deux ans jusqu’à 70 ans, puis tous les ans. Ce système, on devrait l’étendre pour tous les conducteurs pour éviter certains drames humains”, affirme-t-il.

La démarche serait alors plus simple que de faire porter le poids à la famille d'annoncer à leur proche qu'il ou elle n'est plus apte à prendre le volant.

"Objectivement, lorsqu’on doit dénoncer, on fait peser aux familles cette responsabilité-là. Cette sensibilité familiale est un problème, imaginez qu’une personne a plusieurs enfants qui ne sont pas en accord avec le fait de dénoncer", ajoute l'avocat.

“Je trouve que c’est une maladresse de faire reposer cette responsabilité sur les proches. Il faut institutionnaliser. Ça permettra de calmer les familles et d’instaurer la paix”, précise-t-il.

Comment gérer le manque de mobilité?

Pour certains, la vraie question est plutôt: comment faire en sorte que les personnes âgées ou celles inaptes à la conduite n'aient plus besoin de prendre la route?

“Ce qui est difficile aujourd’hui, c'est que ces personnes-là sont souvent dans des zones rurales, donc il faut mettre en place des systèmes pour faire les courses, quelque chose pour accompagner chez le médecin… Je pense qu’il y a des mesures concrètes à prendre rapidement”, détaille Gilles Renard, président de l'association Signal Senior.

Pour ceux qui ont toujours besoin de conduire, l’association propose un disque à placer sur le pare-brise arrière qui indique qu’une personne âgée est au volant, pour être plus visibles de tous. 50.000 personnes en sont déjà équipées en France.

Dans certains cas, il devient indispensable de s'adapter pour empêcher l'autre de conduire à nouveau. Quitte à avoir des discussions familiales sur le sujet. Jean-Claude, 66 ans, se souvient avoir dû trouver des solutions avec ses proches après que son père a pris un sens interdit et a accroché plusieurs voitures en stationnement, et qu'il refusait de rendre les clés. A l'aide de son beau-frère garagiste, ils ont mis sa voiture en panne.

"On lui faisait livrer ses courses deux fois par semaine, ma soeur passait régulièrement le voir et quand il avait besoin d’aller à la pétanque, on se débrouillait pour l’emmener”, explique-t-il.

Mélanie Hennebique avec Joanna Chabas