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Coups de couteau, étranglements: le témoignage poignant de Laura, victime de violences conjugales et dont l'ex-mari est toujours en liberté

TÉMOIGNAGE RMC - Pendant plusieurs années, Laura a subi les coups et même les tentatives de meurtre de son ex-mari. Condamné a du sursis, il est aujourd'hui en liberté et Laura vit encore dans la peur.

C’est un témoignage à peine soutenable. Pendant plusieurs années, Laura a subi les violences conjugales de son ex-mari, le père de ses deux enfants âgés de 9 ans et 3 ans. Étranglements, coups de couteaux, renversement par une voiture, fractures, sternum fêlés, coups de pieds, rien ne lui a été épargné avant que l’une de ses plaintes soit finalement prise en compte.

"J’ai essayé de porter plainte deux fois et à chaque fois, on m’a culpabilisé en me faisant comprendre que j’allais détruire sa vie et notre vie de famille. La dernière fois, en octobre 2020, je suis arrivée la tête boursouflée les vêtements déchirés j’ai été très bien accueillie. Le gendarme m’a dit : 'je ne vous demande pas si vous allez porter plainte, je vous dis que vous allez porter plainte'. Ça m’a aidé à m’enlever cette responsabilité-là", raconte Laura ce vendredi sur RMC.

Dans la foulée, son ex-mari est placé en garde à vue, présenté au tribunal et placé son contrôle renforcé avec éviction du domicile, interdiction d’entrer en contact avec Laura et de se présenter à son domicile. Mais aucune décision n’est prise concernant la garde des deux enfants : "Il avait donc toujours ses droits sur eux. Il a décidé de lui-même de placer sa caravane à 300 mètres de chez moi. Il passait devant 3 à 4 fois par jour, il prenait des photos des voitures, il laissait des messages à ma fille plusieurs fois par jour".

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Les gendarmes et les autorités judiciaires sont alertés mais rien n’y fait: "On m’a toujours dit 'tant qu’il ne vous approche pas tout va bien'". Pourtant l’ex-compagnon de Laura n’est jamais loin : "Il se présentait à l’école de ma fille plusieurs fois par semaine, notamment au niveau de la cantine, excentrée des locaux de scolarisation", ajoute-t-elle.

Le 21 mai dernier, il est finalement jugé pour "violences conjugales aggravées". Devant le juge, il reconnaît, les étranglements, les coups de couteau et même failli avoir la tuer sans l'intervention de leur fille. Il est condamné à 12 mois de sursis et 1500 euros de dommages et intérêts et ressort libre. Devant le juge des affaires familiales, il lui est même accordé un droit de visite d’un week-end sur deux et de la moitié des vacances scolaires. Malgré des traces de coups visibles sur son fils de 3 ans. "Je l’ai emmené directement chez les gendarmes et à l’hôpital pour faire constater et la plainte a été classée sans suite. Le gendarme me l’a annoncé et était vraiment navré".

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"C’est une affaire dramatiquement habituelle"

Malgré la condamnation de son ex-mari, Laura vit aujourd’hui dans la peur. "J’ai déménagé, je cache mon adresse mais un jour il la connaîtra. Il connaît déjà la ville de scolarisation de mes enfants étant donné que j’ai déménagé avant le passage devant le juge des affaires familiales, ce qui fait que l'Éducation nationale a pris contact avec le père pour le changement de scolarité".

"Pour l’instant, je suis cachée. Mais un jour, il va nous retrouver, il va passer devant la maison et reconnaître les vélos. On ne peut pas rester 100% anonyme où monsieur connaît la commune".

Un récit qui n’étonne pas Luc Frémiot, ancien procureur de Douai, pionnier dans la lutte contre les violences faites aux femmes: "C’est une affaire dramatiquement habituelle. Ce qui me frappe, c’est une succession de mesures contradictoires", déplore-t-il sur le plateau des "Grandes Gueules" ce vendredi. Pour lui, tout l'arsenal judiciaire n'a pas été utilisé: 

"Il y a ces plaintes classées certainement parce que les enquêtes ont été mal faites et que le procureur n’a pas voulu poursuivre. Vous avez enfin cette plainte qui est prise et les choses sont enfin favorables puisqu’on va l’éloigner de chez vous. Mais ce qui manque, c’est la petite chose qui permet de vous sécuriser: un bracelet anti-rapprochement ou une interdiction d’être à une certaine distance de vous. C’est un détail extrêmement important puisqu’aujourd’hui il vous insécurise", détaille le procureur
"Un juge aux affaires familiales a accepté de confier à un mari violent qu’on prend pour un bon père ses enfants alors qu’un mari violent ce n’est pas un bon père (…) Je ne vois pas comment rien n’a été fait après les attestations des lésions sur l’enfant de 3 ans", s'indigne Luc Frémiot.

Pour enrayer le phénomène, le magistrat propose de généraliser les centres d'accueil des conjoints violents: "Je plaide pour la création de centres d'encadrement pour les auteurs de violences conjugales où ils seront pris en main par des psychiatres et des psychologues. Je l'ai fait à Douai et ça a marché". En 2020 18 centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA) ont ouvert. Et le gouvernement envisage d'en créer 12 autres.

On recensait au 28 mai 2021, 43 féminicides depuis le début de l'année. Dans la nuit de dimanche à lundi, c'est une femme de 22 ans qui a été tuée à coups de couteau par son compagnon à Hayange (Moselle). Et en avril dernier, une femme était tuée, d'abord blessée par balle puis brûlée vive en pleine rue par son mari à Mérignac (Gironde).

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Guillaume Dussourt