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La santé, nouvelle première préoccupation des Français: "Impossible de trouver un médecin traitant"

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Pour la première fois, la santé devient la préoccupation numéro un des Français, selon le rapport annuel sur l'état de la France adopté mercredi par le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

C’est une première. La santé est devenue le premier sujet de préoccupation des Français cette année. C'est ce que révèle le rapport annuel sur l'état de la France adopté mercredi par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) en s'appuyant sur un sondage Ipsos. La santé devance le pouvoir d'achat qui était en tête en 2023 ou l'immigration, classée sixième à égalité avec d'autres thématiques.

Même si les Français peinent encore à joindre les deux bouts, 40% d'entre eux sont préoccupés par "leur santé et celle de leurs proches" (+3 points par rapport à 2023) et même 42% parmi les plus modestes. Parmi les inquiétudes: les déserts médicaux, l'accès difficile aux soins et les inégalités d'espérance de vie.

L'accès aux soins de plus en plus difficile

Un Français sur deux dénonce un difficile accès aux soins, c'est 59% parmi les habitants d'agglomérations de moins de 20.000 personnes. Et ça commence au tout début du parcours médical. 5 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, et d’après l'UFC-Que Choisir, près d'un généraliste sur deux refuse de prendre de nouveaux patients, plutôt pour des raisons de surcharge administrative que médicale.

Le parcours du combattant continue ensuite avec les difficultés d’accès aux spécialistes. Les délais pour obtenir un rendez-vous explosent, montre une enquête Ipsos. Pour aller chez le pédiatre, il fallait attendre 18 jours en 2019, c'est 24 aujourd’hui. Pour un ORL: 37 jours en 2019, 60 aujourd’hui, pour un cardiologue, on passe de 52 jours à 74 jours. Enfin, un dermatologue de 62 jours à presque 100 jours. A l’hôpital, engorgement des urgences et délais pour les opérations qui s’allongent sont aussi des inquiétudes. Finalement, ce sont plus de six Français sur 10 qui ont déjà renoncé à au moins un acte de soin au cours des 5 dernières années.

A vous de nous dire : La santé est-elle devenue une inquiétude pour vous au quotidien ? - 24/10
A vous de nous dire : La santé est-elle devenue une inquiétude pour vous au quotidien ? - 24/10
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"Ma rage de dent est passée toute seule"

C'est le cas de Médéric, auditeur, cadre de 29 ans habitant dans l'Indre. Il n'arrive pas à trouver de médecin traitant: "Je n’ai plus de médecin traitant depuis 1 an et demi et c’est impossible d'en trouver un dans le secteur".

"Les médecins ne prennent plus de nouveaux patients parce qu’ils sont déjà surchargés. Dans notre secteur, c’est vraiment impossible et c’est pareil pour les dentistes", dit-il, résigné.

N'ayant toujours pas de solution, il espère juste que "rien de grave" ne lui arrive. Comme en décembre dernier: "Je n’avais pas de dentiste, j’ai fait une rage de dent et j’ai réussi à trouver un rendez-vous deux mois après mais ma rage de dent était passée. Et c’est seulement parce qu’un cabinet ouvrait à 30 kilomètres sinon je n’avais pas du tout de dentiste dans le secteur. Ma rage de dent est passée comme ça, toute seule”.

"Au Luxembourg, en même pas une semaine, on avait le rendez-vous"

Alors d'autres essaient de trouver des alternatives. Elisabeth, auditrice, habite en Moselle. Mère au foyer, elle a décidé de partir de l'autre côté de la frontière pour ses soins médicaux: "J’ai la chance d’être frontalière. Vu qu’on a du mal pour la prise de certains rendez-vous, je vais au Luxembourg où c’est beaucoup plus rapide".

"Suite à un accident domestique, mon mari avait besoin de passer une radio et en France on avait 3 mois d’attente. Au Luxembourg, en même pas une semaine, on avait le rendez-vous. Et ils se sont même excusés parce qu’on devait attendre une semaine", détaille-t-elle.
A vous de nous dire : La santé, premier sujet de préoccupation des Français - 24/10
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Bien qu'elle n'ait qu'à traverser la frontière, Elisabeth est inquiète: "Pour les urgences ou n’importe quoi, c’est une source d’angoisse pour la famille". Elle aussi est quand même contrainte de patienter.

"J’ai une mammographie de dépistage à faire, c’est la CPAM qui a récupéré tout ça donc on reçoit les prises en charge quand ils veulent bien les envoyer et là ça fait déjà deux mois que je galère pour avoir un rendez-vous. À chaque fois que je téléphone, ils me disent qu’ils n’ont pas les agendas. Je ne l’ai toujours pas fait, je me dis que si ça continue comme ça, peut-être que j’aurais un rendez-vous en 2025", explique-t-elle.

Des inégalités d'espérance de vie

Mais l’accès aux soins est aussi un problème financier. Cela peut paraître étonnant dans un pays où la prise en charge par la Sécurité sociale des frais de santé dépasse 90%, avec un reste à charge moyen de 250 euros par an et par habitant. Mais ces chiffres sont trompeurs, selon France assos santé. Pour les personnes atteintes de maladies chroniques (12 millions), en situation de handicap ou de perte d’autonomie, le véritable reste à charge dépasserait 1.500 euros par an et par personne, 50% de plus qu’en 2019.

Ces frais cachés, ce sont les petits matériels de soin, les produits qui soulagent les effets secondaires de certains traitements, des aides techniques, des frais d’alimentation ou de médecine complémentaire, comme des séances chez le diététicien, le psychologue ou l’ostéopathe.

Tout cela produit des inégalités croissantes en matière d’espérance de vie: les hommes les plus aisés vivent 13 ans de plus que les plus pauvres, un écart réduit à 8 ans chez les femmes. Des inégalités qui se ressentent aussi selon la région. L'espérance de vie est plus faible dans les Outre-mer, les Hauts-de-France, le Grand-Est et le Centre. En effet, plusieurs départements dans ces régions cumulent "une espérance de vie à 60 ans plus faible et un nombre plus élevé d'années vécues en mauvaise santé".

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Lechypre d’affaires : La santé, première préoccupation des Français - 24/10
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"C'est un problème de l'hôpital qui n'a plus les moyens"

D'autres Français sont, eux, préoccupés par la dégradation de l'hôpital public et des manques de moyens pouvant causer de graves accidents. C'est le cas de Jean, il n'a plus confiance depuis le 31 janvier 2018 et l'erreur médicale qui a emporté la vie de sa femme Maria. Admise le matin pour une banale opération de l'épaule dans leur petit hôpital du Jura, situé en plein désert médical, elle est décédée lors de l'anesthésie.

"Le monde s'écroule. Vous accompagnez votre épouse à l'hôpital, et puis à 11h30 on vous appelle pour vous dire qu'elle est décédée, c'est impensable".

Sa fragilité cardiaque n'a pas été prise en compte, des examens n'ont pas été réalisés faute de machine en état, entre autres dysfonctionnements qui auraient pu être évités. Et l'anesthésiant a été surdosé causant un infarctus sur la table d'opération.

"C'est un problème de l'hôpital qui n'a plus les moyens, dans 10/15 ans quand on aura encore plus besoin de soins, comment ça va aller?", s'interroge-t-il.

Deux fois plus de Français, désemparés après une mauvaise expérience à l'hôpital, se tournent vers l'association Victimes solidaires. Le porte-parole Norbert Pirault n'est pas étonné que la santé devienne préoccupation numéro 1 cette année: "Nous avons pas loin d'une dizaine de coups de téléphone par jour. Les gens sont très très inquiets parce qu'on est en restriction budgétaire, ils ont peur que ce soit encore pire". Il espère que ce sondage servira d'électrochoc auprès des élus et du gouvernement en plein vote du budget.

Le Cese alerte sur la défiance envers la démocratie engendrée par la difficulté d'accès à ces services publics et appelle à consulter davantage les Français pour résoudre les problèmes du quotidien près de chez eux.

SG avec Emmanuel Lechypre et Nicolas Traino