RMC
Police-Justice

Corruption, règlements de comptes: une note de la police judiciaire révèle l'ampleur des mafias en France

placeholder video
RMC a pu consulter une note confidentielle de la police judiciaire qui montre que la criminalité organisée, le trafic de drogue et les règlements de compte progressent partout sur le territoire français. Plusieurs groupes criminels sous-traitent et engagent de jeunes tueurs qui ne sont plus attachés à un territoire. La corruption touche même la police et la justice alors que plusieurs mafias agissent en sous-terrain.

La situation est alarmante. Une note confidentielle de la Direction Nationale de la Police Judiciaire que RMC a pu consulter alerte sur l’emprise de la criminalité sur tout le territoire. Et les conclusions font froid dans le dos. La criminalité violente mue et progresse, en volume comme dans ses modes d’action.

Cette criminalité organisée, différente de la petite délinquance, ne se concentre plus seulement dans les grandes métropoles. Elle s'étend, s’enracine et prend les traits d’une véritable menace pour l’Etat: "Une frange de la criminalité organisée cherche délibérément à instaurer un rapport de force avec l’Etat", écrivent les auteurs de ce document de travail fait par et pour la police afin d'observer les tendances et poser un diagnostic sur l’évolution des violences.

Ainsi depuis 2021, les assassinats et tentatives d’assassinats entre délinquants ont augmenté de 33 %. 173 villes ont été touchées en 2024, contre 144 trois ans plus tôt. Marseille reste un  point chaud du pays, mais ces violences se déploient désormais dans les petites villes et les villes moyennes comme Avignon, Perpignan, Nîmes, Rennes, Amiens.

Des règlements de comptes dans des villes de 5.000 habitants

Et même dans des localités moins attendues… Exemple à Garons, petite ville de 5.200 habitants dans le Gard, où un commando recruté via Telegram prévoyait l’exécution du patron d’un point de deal.

Et c'est parfois dans les sous-sols qu’on lit le mieux l’extension des trafics de stupéfiants: l’analyse des eaux usées révèle des pics de consommation dans des zones rurales inattendues. Au Boulou, dans les Pyrénées-Orientales, on détecte deux fois plus de cannabis, de crack ou de cocaïne qu’à Paris ou Marseille. Ce que charrient les canalisations révèle une vérité crue : le trafic est partout.

Une criminalité plus jeune et plus mobile

Les trafiquants ne cherchent plus seulement à "tenir" les points de deal: ils sous-traitent les contrats, embauchent au coup par coup. Les messageries cryptées comme Telegram, Signal ou Whatsapp servent à recruter des tueurs, parfois très jeunes. Près d’un quart des suspects identifiés ont moins de 20 ans.

Ainsi à Garons, un adolescent expliquait avoir été payé 2000 euros pour filmer et diffuser une exécution. Les tireurs, eux, touchaient 15.000 à 20.000 euros. Un simple pilote de voiture, 10.000 euros.

Ces nouvelles recrues ne sont plus attachées à un territoire ou à un groupe. Elles circulent entre départements, exécutent un contrat, puis disparaissent. Un phénomène qui rend les enquêtes plus difficiles, les liens hiérarchiques sont moins lisibles.

La matinale 100% info et auditeurs. Tous les matins, Apolline de Malherbe décrypte l'actualité du jour dans la bonne humeur, avec un journal toutes les demies-heures, Charles Magnien, le relais des auditeurs, Emmanuel Lechypre pour l'économie, et Matthieu Belliard pour ses explications quotidennes. L'humoriste Arnaud Demanche vient compléter la bande avec deux rendez-vous à 7h20 et 8h20.
Le dossier compliqué par Matthieu Belliard : Criminalité, ça progresse sur tout le territoire - 15/05
3:46

Une mafia à la française?

Les auteurs de la note pointent des groupes spécifiques. La DZ Mafia, organisation très active à Marseille mais déjà implantée à Rennes, Toulouse, Avignon, Sète ou Nîmes. La bande "Yoda" aussi qui a perdu de l’influence, mais reste présente.

Mais la question n’est pas que franco-française. Nous sommes un carrefour de réseaux. La Moccro-Mafia néerlandaise utilise le territoire français pour ses contrats. Des clans albanais, bulgares, mais aussi marocains et algériens se livrent une concurrence mais sous-traitent aussi entre eux constatent les policiers. Leurs terrains d’action sont les ports français, les aéroports, les réseaux logistiques.

Le fléau de la corruption

Ces organisations ne se contentent plus de vendre. Elles importent, exportent et blanchissent. Elles achètent des silences, infiltrent les rouages administratifs ou judiciaires.

Une greffière du tribunal, compagne d’un trafiquant à Marseille, a ainsi été appréhendée. Il y a aussi cette salariée du port du Havre qui avait été payée 10.000 euros pour insérer une clé USB, pour infiltrer les systèmes ou suivre discrètement les flux logistiques, les arrivées et départs de bateaux.

La corruption est bien là et révèle une porosité du système. On parle d’un marché estimé entre 3,5 et 6 milliards d’euros par an en France. Ce n’est pas seulement un phénomène criminel, c'est une économie souterraine, une criminalité organisée qui regarde l’Etat droit dans les yeux.

Matthieu Belliard