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Attentat de Mulhouse: Bayrou juge "inacceptable" que l'Algérie ait refusé "10 fois" de reprendre l'assaillant

François Bayrou au Salon de l'Agriculture, à Paris, le 24 février 2025.

François Bayrou au Salon de l'Agriculture, à Paris, le 24 février 2025. - Thomas SAMSON / AFP

Deux jours après l'attentat de Mulhouse, François Bayrou a chargé l'Algérie, jugeant "inacceptable" son refus de reprendre l'assaillant et promettant de montrer la "détermination" de Paris, qui pourrait engager des mesures de rétorsion dès cette semaine, notamment sur les visas.

François Bayrou a jugé lundi "inacceptable" que l'Algérie ait refusé "dix fois" de reprendre "l'assassin de Mulhouse" avant qu'il ne commette une attaque mortelle au couteau samedi, alors qu'il était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

"L'assassin de Mulhouse, il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d'origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois la réponse a été non. Est-ce que c'est acceptable? Pour moi c'est parfaitement clair, c'est inacceptable", a déclaré le Premier ministre en marge d'une visite au Salon de l'agriculture.

"Notre responsabilité c'est de ne pas l'accepter"

L'assaillant, interpellé après avoir fait un mort et cinq blessés, était déjà connu de la police et de la justice: "arrivé illégalement" en France en 2014 selon le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, cet homme de 37 ans avait récemment purgé une peine de prison pour apologie du terrorisme.

"Notre responsabilité c'est de ne pas l'accepter", a insisté François Bayrou, avant d'ajouter: "Imaginez la situation si elle était inversée (...) Qu'est-ce que diraient les autorités algériennes?"

Pour le Premier ministre, "il faut donc préparer les décisions, prendre les décisions pour que le gouvernement et les pouvoirs publics algériens comprennent quelle est la détermination de la France". Une allusion au conseil interministériel de contrôle de l'immigration prévu mercredi, dont la tenue était programmée avant l'attentat de Mulhouse mais où des mesures visant l'Algérie et d'autres pays seront discutées.

Les semaines se suivent et les tensions entre l'Algérie et la France ne cessent de s'aggraver. La porte-parole du gouvernement Sophie Primas a évoqué certaines des mesures de rétorsion envisagées: "On n'est pas obligé d'avoir des visas en quantité aussi importante", a-t-elle estimé sur RTL, suggérant aussi de "cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations (franco-algériennes) et ne plus leur donner de visas".

Couac et surenchère

Abondant dans le même sens, le député macroniste David Amiel a estimé sur franceinfo que "la priorité absolue à court terme" était de "remettre en cause l'accord de 2007 qui prévoit que les dignitaires algériens peuvent se rendre en France sans visa". Il s'agit de "faire pression sur le régime" en ciblant "la nomenklatura algérienne, pas les citoyens ordinaires", a-t-il ajouté.

Mais dans ce domaine, l'exécutif doit aussi composer avec la surenchère du Rassemblement national, qui considère que "le nombre de visas est excessivement important" et qu'on "pourrait aller jusqu'à (ce) qu'il n'y ait plus aucun visa", comme l'a fait savoir Sébastien Chenu sur BFMTV et RMC.

Le vice-président du parti d'extrême droite a évoqué d'autres leviers concernant "les transferts de fonds, le fait de soigner des dirigeants algériens dans notre pays", ainsi que la révision de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie - réclamée par le président Abdelmadjid Tebboune.

Bref, "il y a de quoi pouvoir faire pression", a résumé Sébastien Chenu. Le président du parti, Jordan Bardella, a lui aussi réclamé "un bras de fer diplomatique avec Alger", déplorant "une humiliation" de la France.

Tensions avec Alger

Dès samedi soir à Mulhouse, Bruno Retailleau s'était prononcé pour "le rapport de force" avec l'Algérie "qui n'applique pas un certain nombre d'accords". Mais des dissonances se font entendre au sein du gouvernement.

"La diplomatie, c'est toute une palette d'outils", a répliqué le ministre des Affaires Etrangères Jean-Noël Barrot dimanche sur CNews et Europe 1. Et le locataire du Quai d'Orsay d'enfoncer le clou: "Ce qui nous intéresse, c'est la sécurité des Français, ce n'est pas le rapport de force pour le rapport de force."

Un couac que François Bayrou s'est empressé de minimiser lundi: "Le gouvernement français est un" et "n'a qu'une ligne". Celle-ci doit normalement être tracée par le chef de l'Etat, mais Emmanuel Macron ne s'est pour l'heure pas exprimé sur le sujet. Les relations entre Paris et Alger se sont détériorées depuis l'été 2024 avec l'annonce de l'appui de la France au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental.

Et les rapports se sont encore tendus ces dernières semaines avec la détention en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal et l'arrestation en France de plusieurs influenceurs algériens pour apologie de la violence. Le déplacement, mardi, du président du Sénat, Gérard Larcher, au Sahara occidental, ne devrait pas apaiser la colère d'Alger.

C.A avec AFP