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Présidentielle: Emmanuel Macron est-il vraiment "le président plus mal élu"?

Emmanuel Macron est le premier président de la Ve république qui parvient à se faire réélire, hors période de cohabitation. Mais la célébration sera de courte durée, avec ses opposants qui lancent déjà une bataille des législatives qui s'annonce incertaine.

Une victoire, mais pas d’état de grâce pour Emmanuel Macron. L’état de grâce, c’est un terme religieux pour évoquer une réalité politique: le fait qu’un président élu bénéficie d’une période pendant laquelle l’opinion lui est très favorable. On parle aussi des 100 jours, les trois premiers mois du mandat pendant lesquels le président surfe sur la vague de sa victoire.

Cette fois, il n’y aura donc pas d’état de grâce pour la simple raison qu’il n’y a ni nouveau président, ni alternance. Ce qui n’était jamais arrivé depuis 1965. De la même façon, les 100 jours qui viennent ne sont pas ses 100 premiers jours, mais bien la suite d’un mandat commencé en 2017.

Le plus dur commence

En réalité, Emmanuel Macron sait bien qu’il ne bénéficiera pas de cette période “bénie” mais qu’au contraire, pour lui le plus dur commence. A commencer par les élections législatives qui auront lieu les 12 et 19 juin. C'est-à- dire dans 7 semaines pour le premier tour. Et la campagne pour ces législatives a commencé dès dimanche à 20h10. Marine Le Pen a déclaré lancer la “grande bataille” et elle a précisé pour ceux qui en doutaient qu’elle comptait bien la mener. L’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour elle.

Même message de la part de Jean-Luc Mélenchon: "Le troisième tour commence ce soir", a-t-il dit. Et on a compris que le leader des insoumis entend bien, lui aussi mener cette bataille. Donc pas d'état grâce pour Emmanuel Macron mais une bataille électorale à gagner et deux opposants déterminés à le combattre.

Emmanuel Macron a lui-même évoqué les colères qu’il va devoir affronter

C’était une célébration un peu ratée au pied de la tour Eiffel, un discours très court, et c’est ce que l’on retient: "J'entends les colères, les doutes et les divisions” a dit Emmanuel Macron. Il a convenu qu’un nombre important de ses électeurs ont voté non pas pour lui, mais plutôt contre Marine Le Pen.

"Toute cette colère et tous ces désaccords doivent trouver une réponse, c’est ma responsabilité", a dit le président avant de prononcer cette curieuse phrase: “Les années à venir, à coup sûr, ne seront pas tranquilles, mais elles seront historiques.”

"Les années à venir ne seront pas tranquilles”, comme si Emmanuel Macron pressentait et annonçait une période de tension. Qui pourrait commencer dès l’automne lorsque sera présentée la réforme des retraites.

Emmanuel Macron est en réalité bien élu

Emmanuel Macron est-il le président le plus mal élu de la Ve république comme l’a dit Jean Luc Mélenchon dimanche soir?

Finalement, non. Emmanuel Macron est même un des présidents les mieux élus depuis 60 ans, en pourcentage des suffrages exprimés. Avec 58,5% c’est le troisième meilleur résultat de l'histoire des présidentielles. Seul Jacques Chirac en 2002 et lui-même en 2017 avaient fait mieux.

Jean-Luc Mélenchon voulait peut-être dire: "Le plus mal élu en nombre d'électeurs". Mais ce n'est pas le cas non plus. Emmanuel Macron a obtenu hier 18 millions de voix, contre 13 millions à Giscard en 74, 15,7 millions pour Mitterrand en 81, 15 millions aussi pour Chirac en 1995.

Dans la soirée les lieutenants de Jean-Luc Mélenchon ont précisé. Marcon serait le plus mal élu en termes de pourcentage des électeurs inscrits. Mais c’est encore faux, il a été élu avec 38,5% des inscrits. C’est quasiment autant que François Hollande en 2012 et plus que les 37% de Georges Pompidou en 1969.

C’est donc le paradoxe, Emmanuel Macron est en réalité bien élu… De même que sa cote de popularité au début de ce mois n’était pas mauvaise, loin de là, pour un président en fin de mandat. Et en même temps, il fait l’objet d’une haine, ou en tout cas d’un rejet de sa personne, incontestable. Qui s’est traduit par les 41% de Marine Le Pen, score jamais atteint auparavant par l'extrême droite. Et l’on a vu aussi dimanche soir, des manifestations hostiles au président à Paris, à Rennes, à Toulouse, à Marseille ou à Lyon. Ce qui n’était jamais arrivé un soir de deuxième tour. Tout cela annonce peut être effectivement des lendemains qui ne seront pas tranquilles.

Nicolas Poincaré (édité par J.A.)