Gouvernement de François Bayrou: "Il aura du mal à recruter hors de la macronie"

Le nouveau Premier ministre François Bayrou aurait un "bon profil de président du Conseil de la IIIe ou IVe République", analyse ce samedi matin sur RMC le politologue Benjamin Morel. Selon lui, il pourrait avoir cette "souplesse idéologique et le sens politique" afin de "faire des alliances à géométrie variable". Conséquence: "le nouveau Premier ministre "ne serait pas prisonnier d'un groupe politique" car "il peut se tourner vers le PS et a une forme de bienveillance envers le RN", rappelle-t-il.
Le nouveau locataire de Matignon entame dès ce samedi ses premières consultations, en recevant notamment aujourd'hui la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet et le président du Sénat Gérard Larcher. Son objectif: réussir là ou Michel Barnier a échoué, à savoir échapper à la censure. Pour cela, il faudra élargir le "socle commun" ou donner des gages aux oppositions mais les socialistes ont déjà prévenu qu'ils seront dans l'opposition et ne participeront pas au gouvernement.
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Il devrait également s'entretenir avec les chefs de groupes parlementaires, indique à l'AFP son entourage. Déjà hier soir, François Bayrou s'est entretenu avec le ministre démissionnaire de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui lui a demandé des garanties à propos de l'immigration, s'il venait à rester dans le gouvernement.
Nommer un macroniste donne un "sentiment de frustration et illégitimité"
Toutefois, "continuer de nommer un macroniste à Matignon donne un sentiment de frustration et d'illégitimité", explique le constitutonnaliste Benjamin Morel au micro d'Anaïs Matin. D'autant que ce dernier anticipe des difficultés de recrutement pour le nouveau Premier ministre, qui aura du mal, selon lui, à élargir en dehors de la macronie. "Si vous espérez avoir un avenir politique, vous n'avez pas envie d'entrer dans ce gouvernement."
Le centriste n'était pourtant pas le premier choix. Comme le faisait savoir le service politique de RMC vendredi, Emmanuel Macron aurait annoncé à François Bayrou, lors de leur entretien qui a duré 1h45, son choix de ne pas le nommer à Matignon au profit de Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées. Le patron du MoDem aurait fait alors pression sur le chef de l'État, menacant de quitter le "socle commun". Le président aurait alors finalement changé d'avis, avec la suite que l'on connaît.
"Lecornu était moins compatible avec la gauche"
"Sébastien Lecornu était probablement moins compatible avec la gauche", selon Benjamin Morel. "L'avantage, par contre, c'est qu'il aurait eu plus de facilités à tenir au sein du gouvernement les LR." Ce qui pourrait moins être le cas pour François Bayrou, alors que le parti de droite a indiqué hier conditionné sa participation selon les engagements politiques qui seront pris par le nouveau Premier ministre.
On sait, par ailleurs, que Nicolas Sarkozy, qui a l'oreille d'Emmanuel Macron, était contre sa nomination, n'ayant pas digéré son choix de soutenir Ségolène Royal en 2007 puis François Hollande en 2012 au second tour de l'élection présidentielle.
Si le casting gouvernemental est amené à être uniquement composé de macronistes, "cela donne le sentiment d'une forteresse assiégée avec les derniers défenseurs dans le bastion mais on sait très bien, qu'à terme, elle doit tomber", poursuit Benjamin Morel.
D'un point de vue "arithmétique", à l'Assemblée nationale, la "seule solution est une alliance bancale au centre" mais celle-ci génère "beaucoup de frustration", concède-t-il.
"C'est une crise politique, pas institutionnelle"
S'il le constitutionnaliste reconnaît ne pas être un grand "aficionado de la Ve et que la VIe n'est pas un tabou", il rejette l'idée d'une crise "institutionnelle". "C'est une crise politique", qui résulte selon lui de "l'incapacité de construire une majorité qui comprendrait soit la droite de la droite soit la gauche de la gauche, soit une union des centres".
"Cela donne le sentiment que le dysfonctionnement est institutionnel et qu'il faudrait donner un grand coups de balais", poursuit Benjamin Morel, qui remarque que cette crise "politique" est train de "muter dans la tête de nos citoyens en crise institutionnelle".
Un sentiment partagé par Dominique, auditeur RMC, qui se désole du choix de nommer François Bayrou Premier ministre. Ce dernier tempète contre Emmanuel Macron et dénonce son "comportement monarchique", "sourd au rejet de sa personne et de sa politique".
"Les électeurs ne sont pas respectés [...] il n'y a aucune représentativité du peuple", poursuit l'homme de 65 ans, qui pose la question de passer à une VIe République, afin de "tout repenser".