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Référendum sur l'immigration: "Pas impossible" mais les "mesures sont compliquées à envisager"

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La tenue d'un référendum sur l'immigration "n'est pas tout à fait impossible", explique ce samedi sur RMC le politologue Benjamin Morel. Toutefois, la Constitution délimite le champ de cet outil. Ainsi, il s'agirait uniquement de "mesures économiques et sociales", "en fin de compte sur pas grand chose", estime le constitutionnaliste.

Le référendum sur l'immigration, une arlésienne? La droite et l'extrême droite militent pour son organisation depuis plusieurs années - invoquant un souhait de l'opinion publique - une idée âprement combattue par la gauche. Du côté du gouvernement et de la macronie, le sujet est plus clivant.

Au-delà des positions partisanes, une telle proposition est souvent critiquée pour sa possible anti-consitutionnalité. "Ce n'est pas impossible" mais le référendum reposerait sur des "mesures économiques et sociales", "en fin de compte sur pas grand chose", tranche ce samedi sur RMC le constitutionnaliste Benjamin Morel.

Le budget désormais adopté, l'immigration et le droit du sol sont désormais les thématiques phares mises à l'agenda. Jeudi, l'Assemblée nationale a ainsi adopté la proposition de loi portée par la droite visant à resteindre le droit du sol à Mayotte. Selon ce texte, l'obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte sera conditionnée à la résidence régulière sur le sol français des "deux parents" (et non plus d'un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois).

L'invité du jour : Benjamin Morel - 08/02
L'invité du jour : Benjamin Morel - 08/02
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François Bayrou "essaie de noyer le poisson"

Gérald Darmanin s'est prononcé pour l'abrogation pure et simple du droit du sol à Mayotte. Il a par ailleurs estimé "que le débat public doit s'ouvrir sur le droit du sol dans notre pays", et qu'il faut sur le sujet une réforme de la Constitution, que ce soit via un référendum ou à l'occasion de la présidentielle de 2027.

Vendredi, au micro des Grandes Gueules sur RMC, François Bayrou a jugé "trop étroit" un débat sur le seul droit du sol comme suggéré par son ministre de la Justice Gérald Darmanin et a souhaité un débat "plus large", qui intègrerait cette question sensible sur ce que "c'est qu'être Français".

Une tentative selon Benjamin Morel de "noyer le poisson", compte tenu du fait que ces thématiques soiente clivantates au sein du camp présidentiel. "Il ne peut pas tourner le dos au RN et à LR. Des mesures législatives concrètes, toutefois, feraient exploser sa majorité. En montant le sujet sur l'identité française, il essaie de monter en généralité, de créer un débat dans le débat", analyse-t-il au micro d'Anaïs Matin.

Samedi dernier, c'est le président du RN Jordan Bardella qui a poussé l'idée d'un référendum sur l'immigration. Jeudi, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau s'est lui aussi prononcé en sa faveur, "quand ce sera possible".

Article 11 de la Constitution

Sauf que le champ du référendum est délimité par la Constitution. Aussi "un référendum sur l'identité française, d'un point de vue pragmatique, il n'y a pas grand chose à en dire", appuie Benjamin Morel. "Sur l'immigration, ce n'est pas impossible" mais "les mesures sont très compliquées à envisager". Elles seraient de l'ordre "économiques et sociales", "en fin de compte sur pas grand chose". Toutefois, des questions pourraient être posées par exemple sur l'Aide médicale d'Etat (AME) et les conditions d'accès aux allocations familiales des étrangers.

Pour rappel, l'article 11 de la Constitution permet de soumettre ainsi "tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité".

"L'immigration qui est un sujet très vaste, peut concerner beaucoup de domaines de l’action publique, qui ne se rattachent donc pas seulement aux politiques sociales et économiques", soutient l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Éric Schoettl, dans les colonnes du Figaro.

La révision du droit du sol à Mayotte "porterait atteinte à l'indivisibilité de la République", selon Benjamin Morel

Concernant un référendum sur le droit du sol "ne s'inscrit pas dans le champ du référendum, donc on oublie", balaie le politologue. Toutefois, une modification à l'ensemble du territoire national "est possible", "le Conseil constitutionnel affirme que ce n'est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République", rappelle Benjamin Morel. Sa révision, uniquement à Mayotte, serait "plus compliquée car porterait atteinte à l'indivisibilité de la République".

À l'instar de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée, le droit du sol pourait ainsi être remis en cause "par une loi ordinaire". La difficulté serait essentiellement "politique, puisque la majorité est clivée et les motions de censure pleuveraient", poursuit Benjamin Morel.

Le Conseil constitutionnel a déjà mis en garde

D'autant que le Conseil constitutionnel, présidé par Laurent Fabius, aurait sans doute son mot à dire. Que ce soit sur le droit du sol et l'immigration en général, l'ancien Premier ministre socialiste avait averti en mai dernier: "La politique migratoire n’est pas une matière ouverte à référendum direct de l’article 11 de notre Constitution".

Léo Manson