"Je les laisse faire": pour Gérald Darmanin, la colère des agriculteurs est "un coup de sang légitime"

Les autorités craignent des débordements ce vendredi à Montpellier, où un rassemblement d'ampleur d'agriculteurs en colère doit avoir lieu devant la préfecture de l'Hérault. Selon les renseignements, il existe "des risques réels de troubles à l'ordre public" alors que 150 tracteurs sont attendus.
Le mouvement des agriculteurs semble même se durcir. La préfecture de Gironde à Bordeaux a été prise pour cible ce jeudi. Des feux de paille et de palettes ont été allumés devant le bâtiment, tout comme devant le conseil départemental. Du fumier a aussi été déversé devant l'hôtel de région. A Agen, c'est le toit d'un supermarché qui s'est en partie effondré sous le poids du lisier déversé par des agriculteurs.
La "compassion" de Darmanin pour les agriculteurs
Il y a une semaine, à Carcassonne (Aude), un bâtiment en travaux de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), service du ministère de la Transition écologique, a été soufflé par une explosion. Deux tags "CAV", les initiales du Comité d’action viticole, ont été retrouvés sur place.
Des bâtiments publics visés depuis plusieurs jours, sous l'oeil attentif des forces de l'ordre qui restent à l'écart et n'interviennent toujours pas. Une position assumée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lui-même, qui a défendu ce choix ce jeudi sur le plateau du journal de 20h de TF1, assurant avoir de la "compassion" pour les agriculteurs.
"En tant que ministre de l'Intérieur et à la demande du président de la République et du Premier ministre, je les laisse faire. Les agriculteurs travaillent et quand ils ont des revendications, il faut les entendre. Et la réponse aux souffrances des agriculteurs, ce n'est pas les forces de l'ordre", a assuré Gérald Darmanin.
Deux poids, deux mesures?
"Est-ce que les agriculteurs ont le droit de revendiquer sans qu'on n'envoie les CRS? Oui. Est-ce qu'ils s'en prennent aux forces de l'ordre? Non. Il y a des coups de sang légitimes", a poursuivi le ministre de l'Intérieur, faisant un parallèle avec certaines manifestations écologiques. "Quand on tire au mortier d'artifice ou qu'on jette des boules de pétanque sur les forces de l'ordre, je fais intervenir les forces de l'ordre", a rappelé Gérald Darmanin.
Mais sa patience a des limites. Le ministre de l'Intérieur assure avoir sommé aux préfets de faire intervenir les forces de l'ordre si des bâtiments publics, des policiers, des gendarmes et des agents publics étaient pris à partie. A Bordeaux jeudi soir, pourtant, aucune intervention des forces de l'ordre n'a été constatée.
La sortie de Gérald Darmanin a provoqué l'ire de la gauche et plus particulièrement de La France insoumise. "Comment passer du 'en même temps' au 'deux poids, deux mesures' le plus grossier", a taclé la députée LFI Clémentine Autain sur X (anciennement Twitter). "Les sous-entendus de Darmanin sont une insulte", a abondé Alexis Corbière.
"Un ministre étrange"
Une sortie du ministre de l'Intérieur qui fait débat également ce vendredi sur le plateau des Grandes Gueules. "Personne n'a à avoir de passe-droit sur la violence et les dégradations, y compris les agriculteurs que je soutiens", assure sur RMC et RMC Story Zohra Bitan.
"C'est un ministre étrange", estime de son côté l'économiste Frédéric Farah. "Il y a quelque temps, il nous parlait du monopole de la violence légitime de la police, aujourd'hui du coup de sang légitime. C'est le ministre du désordre public. C'est fou d'entendre ça de la part d'un responsable politique", s'insurge-t-il. "Si chacun devient l'interprète de ce qui est légitime ou ne l'est pas, on ne s'en sort plus. La position de ministre de l'Intérieur, c'est de dire que la dégradation de biens ou sur des personnes ne peut être acceptée", conclut l'économiste.