"Les saisies créent un manque": pourquoi les trafiquants de drogue sont de plus en plus violents
Sur le front de la lutte contre le trafic de drogue, la situation ne s'améliore pas. A Marseille, une femme de 24 ans est morte, touchée par une balle perdue lors d'un règlement de compte alors qu'elle se trouvait chez elle. A Nîmes, les chauffeurs de bus ne veulent plus passer dans le quartier de Pissevin, où un enfant de 10 ans est mort fin août, visé par des trafiquants alors qu'il se trouvait simplement dans une voiture en compagnie de son oncle.
Pour tenter d'endiguer les trafics, les autorités ne manquent pourtant pas d'idées. Après la création de la CRS-8, unité spécialisée dans la lutte contre les trafics et déployée ponctuellement dans les zones sensibles, le ministère de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé mardi le déploiement d'une nouvelle brigade d'investigation judiciaire spécialisée elle aussi dans le trafic de drogue. Son objectif principal sera de "lutter profondément contre la drogue et de lutter contre les réseaux".
En attendant, le tout-répressif prôné par Gérald Darmanin peine à faire ses preuves dans le pays qui consomme le plus de cannabis en Europe malgré une législation des plus sévères sur le continent. La guerre contre les dealers patine tandis que les activités des trafiquants de drogue semblent peu impactées par l'action des autorités.
A court de cannabis, les dealers se disputent les miettes
"Personne n'a gagné même si pour l'instant, les dealers prennent le pas sur la police", reconnaît ce mercredi dans "Les Grandes Gueules" Gabriel, officier de police judiciaire passé par le "groupe stup". Selon lui, les violences entre dealers ont augmenté en raison d'une refonte de la police. Concrètement, depuis une restructuration avec l'émergence des groupes "Ofast" (Offices anti-stupéfiants), en remplacement de l'Ocrtis (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants), le travail de fond et les saisies sont plus efficaces.
"La multiplication de ces groupes permet de très grosses saisies, en matière de cannabis notamment, chez les grossistes et les semis-grossistes. Ces saisies créent un manque. Sans produit, les groupes qui revendent ont moins d'argent. Et pour en avoir plus, il faut éliminer la concurrence, à coup de Kalachnikov", explique le policier.
Gabriel assure également que le cannabis vendu est de plus en plus toxique, avec des quantités de THC de plus en plus élevées: "Dans les années 70, le cannabis vendu tournait à 10-15% de THC. Aujourd'hui, on est plutôt à 30-35% de THC. C'est un produit qui crée des dépendances, comme la cigarette ou l'alcool", prévient le policier.
"Le cannabis est devenu un produit banal parce qu'on a créé les conditions pour"
"Il y a des choses de plus en plus puissantes", confirme Medhi, qui a récemment arrêté de consommer. "J'ai commencé à fumer à 18 ans, on fumait du shit du Maroc. Maintenant, cela n'a plus rien à voir, ce sont des produits qui anesthésient le crâne", raconte-t-il sur RMC et RMC Story.
"Le cannabis est devenu un produit banal parce qu'on a créé des conditions pour le faire. On n'a plus de contrôle aux frontières, il suffit d'un aller-retour en Belgique pour avoir 10 kilos de cannabis", renchérit Gabriel, le policier.
"Certains de Montpellier ont déménagé en Espagne et envoient par colis depuis l'autre côté de la frontière, tout ce que vous voulez, du cannabis ou encore des ecstasys", abonde Mehdi.
Pour Gabriel, le manque de fonctionnaires empêche aux autorités la mise en place d'une lutte efficace de tous les instants. A court d'effectif, le ministre de l'Intérieur en appelle aux consommateurs. "Il y a un lien évident entre consommation de drogue et trafic et malheureusement règlement de compte. Chaque citoyen français a une part de responsabilité en arrêtant de consommer de la drogue", a assuré mardi Gérald Darmanin depuis Nice.